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Page:Sue - Les misères des enfants trouvés II (1850).djvu/261

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chose au-dessus de la plus tendre affection… c’est le respect qu’on doit à une promesse sacrée.

— Je ne vous comprends pas, — lui dis-je, de plus en plus étonné.

— Tout ce que je te demande, — reprit-il, — c’est de ne pas oublier ce que je viens de te dire au sujet de la mère de Régina… Il se peut que l’avenir t’explique le sens de ces paroles, maintenant incompréhensibles pour toi. Enfin, pour en revenir à Régina, mon cher enfant, cette jeune fille est donc admirablement riche et belle, elle est fière de sa haute naissance, et son caractère est aussi résolu que son cœur est généreux. Or, ces qualités naturelles, ces avantages du rang et de la fortune, sont autant d’obstacles insurmontables élevés entre toi et Régina… Aime-la donc comme tu l’as aimée jusqu’ici, invisible et inconnu… pour elle… Songe toujours à la distance incommensurable qui te sépare de cette jeune fille ; qu’elle soit l’étoile brillante qui guidera ta vie dans la voie du bien… Lorsque tu auras quelque tentation mauvaise, évoque, par la pensée, la fière et belle figure de Régina, et tu rougiras de tes funestes tendances… On adore… on vénère Dieu… on se sent soutenu par lui… dans le bien… on le redoute dans le mal ; et pourtant il n’apparaît pas à nos regards… il ne communique pas avec nous… Qu’il en soit ainsi de l’influence de Régina sur toi…

 
 

Le soir du jour où j’eus cet entretien avec Claude Gérard, profitant d’une heure de solitude, je déterrai le pot de grès que j’avais souvent visité, et j’en tirai le portefeuille avec un violent battement de cœur, et la rougeur au front, comme si je me rendais coupable d’un indigne abus de confiance.

Quelle fut ma surprise, mon désappointement en retirant les lettres du portefeuille qui les contenait !

Les lettres n’avaient pour adresse que des initiales, et cette correspondance était écrite d’une écriture indéchiffrable pour moi (je sus plus tard que les lettres étaient écrites en allemand, et voilà pourquoi je sais l’allemand). Néanmoins, je les dépliai soigneusement une à