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Page:Sue - Les misères des enfants trouvés II (1850).djvu/311

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sorte de somnolence fiévreuse, agitée… enfin la fatigue l’emporta, je m’endormis profondément.

 
 

À mon réveil, il faisait grand jour ; je me mis sur mon séant ; J’étais seul, mes autres compagnons de chambrée avaient sans doute depuis longtemps quitté leurs grabats. En reportant les yeux sur mon lit je cherchai mes habits… ils avaient disparu ; à leur place je vis un mauvais pantalon et un bourgeron de toile bleuâtre ; l’idée ne me vint pas d’abord que j’avais été volé ; je cherchai naïvement par terre, à droite, à gauche de mon grabat ; je ne trouvai rien ; mes chaussures, mon chapeau même, avaient été enlevés.

Aussi désespéré qu’irrité, car je regardais la vente de ces habits tout neufs, comme une dernière ressource, j’appelai à haute voix le maître du garni ; je frappai violemment contre la muraille où s’appuyait le chevet de mon lit… personne ne vint.

Après un quart d’heure d’attente et de silence, force me fut d’endosser les haillons que l’on m’avait laissés, et de sortir pieds nus, portant mon paquet qui, heureusement, m’avait servi d’oreiller ; je trouvai l’hôte dans une chambre à droite de la petite cour ; il fumait sa pipe en buvant un broc de vin ; je me plaignis à lui avec indignation du vol dont j’étais victime.

— Ça ne me regarde pas, — me dit cet homme, — je vous ai dit hier… Je ne réponds que de ce que je garde ; il fallait me donner vos habits, vous les auriez retrouvés ; ce matin j’ai vu sortir quelqu’un habillé comme vous l’étiez hier… j’ai cru que c’était vous… tant pis… fallait dormir d’un œil.

Et comme j’insistais en élevant la voix, cet homme me dit brutalement :

— Ah çà ! faut-il que je vous mette dehors ? Je suis de taille, comme vous voyez, — ajouta-t-il en me montrant sa carrure et ses bras vigoureux.

— Et moi aussi, — lui dis-je exaspéré. — Je suis de taille à vous résister… je ne sors pas d’ici que vous ne m’ayez rendu ou rem-