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Page:Sue - Les misères des enfants trouvés II (1850).djvu/44

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tandis que les autres témoignaient par leurs regards attristés qu’elles partageaient cette commisération.

Mais Joséphine, se dégageant des mains de la Levrasse, dit avec une expression de douleur et de honte qui prouvait combien elle souffrait de ce débat :

— Je voudrais quatre francs… il me les faut…

Puis, la pauvre fille devenue pourpre de honte, se hâta d’ajouter comme pour faire excuser sa cupidité :

— Ce n’est pas pour moi… mais il me les faut… absolument.

— Quatre francs… — dit brutalement la Levrasse, — quatre francs… Allons donc ! je serais volé.

Joséphine se leva brusquement. Ce mouvement dégagea sa charmante figure des épais cheveux qui la voilaient… Les larmes ruisselaient sur ses joues. Au geste résolu qu’elle fit pour ramasser sa petite coiffe, tombée à ses pieds, la Levrasse, craignant de perdre une pareille aubaine, s’écria :

— Allons, voyons méchante… vous aurez vos quatre francs… mais j’y perds… Tenez… voilà encore deux francs.

Joséphine se rassit sur le banc, courba le front, et dit bien bas, d’une voix tremblante :

— Je voudrais… garder… quand vous les aurez coupés… une toute petite tresse… de mes cheveux…

— Encore ! — s’écria la Levrasse ; — mais vous êtes insatiable, ma chère…

Puis, après un moment de reflexion, il reprit :

— Allons, il est dit que vous m’ensorcelez… Vous aurez votre petite tresse… mais une vraie queue de rat, pas davantage.

Et il approcha ses terribles ciseaux.

— Monsieur… arrêtez… — s’écria une jeune fille en saisissant le bras de la Levrasse… — ce n’est que quatre francs, après tout… et, en nous cotisant toutes, — ajouta-t-elle en consultant ses compagnes du regard…

— Oui… oui… c’est ça… cotisons-nous, — reprirent plusieurs voix.

— Vraiment. Vous crevez de faim… et vous faites les géné-