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Page:Sue - Les misères des enfants trouvés II (1850).djvu/67

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Trop faible pour se lever sur son séant, elle retourna vivement la tête vers moi ; ses yeux devinrent humides, de grosses larmes y roulèrent bientôt, ses lèvres tremblèrent, et elle me dit de sa petite voix douce et affaiblie :

— Tu ne mens pas ?

Un moment troublé par l’innocence de ce regard, où se lisaient à la fois l’espoir et une douloureuse défiance, j’hésitai, puis je répondis d’une voix émue :

— Non… je ne mens pas.

Sans doute Basquine remarqua mon hésitation ; car elle reprit, en me regardant fixement :

— Ne mens pas… vois-tu ? la bonne sainte Vierge en pleurerait…

J’entendais parler pour la première fois de la bonne sainte Vierge ; néanmoins, Je répondis intrépidement :

— Non… je ne mens pas !

— Je reverrai papa… si je bois cela ? — dit Basquine sans me quitter des yeux.

— Oui, bien vrai !… — lui répondis-je.

— Donne… — dit l’enfant.

Et elle but d’un trait ce que je lui présentais.

De ce moment, elle me témoigna quelque confiance, me demandant sans cesse quand elle reverrait son père.

Les conseils et l’exemple de Bamboche, la peur des mauvais traitements, la nécessité de cacher ou de pallier mes fautes à mes terribles instituteurs, m’avaient déjà familiarisé avec le mensonge ; il me fut facile de tromper la candeur de Basquine en lui faisant espérer et attendre de jour en jour la venue de son père, qui, ajoutai-je, l’emmènerait certainement avec lui.

Ces tromperies, du moins, aidèrent à sa guérison ; elle se résigna dès lors à suivre toutes les prescriptions du médecin, et, l’espérance de retourner bientôt dans sa famille la tranquillisant, sa santé s’améliora chaque jour.

Il m’est resté une impression ineffaçable de mes premières conversations enfantines avec Basquine, et, en rassemblant à cette heure