Page:Sue - Les misères des enfants trouvés II (1850).djvu/73

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s’est dérangé de son travail plusieurs fois dans le jour pour venir m’embrasser… il pleurait, et pourtant il était bien content. — Oh ! on ne me prend pas comme ça ma petite Jeannette… à moi… — disait-il en me mangeant de caresses.

— Et le lendemain matin ?

— Le lendemain ?

— Tu ne te rappelles pas qu’il est venu un petit garçon pour chercher un portefeuille que l’homme devait avoir perdu… chez ton père ?

— Ah ! oui… et il a demandé la permission de le chercher dans tous les coins… nous l’avons aidé… je l’ai cherché longtemps avec lui… il me regardait toujours… toujours… et comme j’étais baissée avec lui, il m’a embrassé le cou, sans que papa le voie… et ça ma fait bien rire…

— Eh bien ! ce petit garçon… c’est notre compagnon… c’est Bamboche… il ne t’a pas non plus oubliée, lui… Si tu savais comme il t’aime bien !

— Il m’aime bien ? Pourquoi donc ?

— Dame !… — repris-je, assez embarrassé, — parce que tu es bien gentille… bien douce… bien bonne ; depuis qu’il t’a vue… il parle toujours de toi… enfin, tu serais sa sœur qu’il ne te chérirait pas plus…

— Je l’aime bien aussi… alors…

— Oh ! et tu fais bien… il a été si malheureux !

— Lui ?

— Je crois bien ! Étant tout petit, figure-toi qu’il a vu mourir son pauvre père dans une forêt… les corbeaux voulaient manger le corps… et lui, les chassait tant qu’il pouvait.

— Ô mon Dieu !… mon Dieu !… — dit Basquine, dont les yeux se voilaient de larmes.

— Et ce n’est pas tout. Resté tout seul, sans personne, et bien plus petit que nous, il a été obligé de demander l’aumône sur les grandes routes.

— Pauvre petit !… sans père ni mère !

— Mon Dieu !… non ; alors il a rencontré un mendiant, très--