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Page:Sue - Les misères des enfants trouvés II (1850).djvu/84

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— Frère… voilà ma petite femme pour la vie…

— Oui… et Bamboche sera mon petit mari ; nous nous en irons avec papa sitôt qu’il viendra me chercher… Bamboche l’aidera dans son travail, et toi aussi, Martin.

Bamboche me fit un signe d’intelligence et dit à Basquine :

— Oui, notre bon frère Martin viendra avec nous… nous ne le quitterons jamais, n’est-ce pas, Basquine ?

— Oh ! jamais, — dit l’enfant avec une grâce charmante, — c’est notre frère à nous deux.

 
 

J’ai su depuis, par Bamboche, que cette première entrevue avait été innocente et pure, comme elle devait l’être.

Et pourtant, quoique consacrés dans le langage naïf des enfants, ces mots : Petit mari, petite femme, me causèrent une impression inexplicable, pénible ; il me semblait que cette impression eût été tout autre, si Bamboche et Basquine se fussent traités de frère et de sœur.

Il n’y avait pas dans cette réflexion la moindre jalousie de ma part, car, malgré les confidences de Bamboche, mon cœur n’avait pas encore parlé ; mais j’éprouvais une vague inquiétude pour l’avenir de Basquine ; enfin, ces mots de petit mari et de petite femme, me rappelant involontairement les amours de Bamboche et de la mère Major, j’éprouvai de nouveau, et plus violemment encore, ce brisement de cœur dont j’avais souffert en conduisant Bamboche à sa première entrevue avec Basquine.