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Page:Sue - Les misères des enfants trouvés IV (1850).djvu/102

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Les preuves de ce que je dis, je les ai là, devant moi, sur cette table…

J’ai touché ce but poursuivi par moi depuis si longtemps, et, au lieu d’une joie céleste, c’est de la frayeur que je ressens.

Inspirez-moi, mon Dieu ! car du secret que je tiens peut dépendre la destinée de trois personnes, de Régina, — de Just, — de M. de Montbar.

Et voici comment :

Avant-hier et hier Régina a été plus inquiète, plus absorbée que jamais.

Après une assez courte entrevue avec son mari, elle a écrit une partie de la journée ; cependant, elle ne m’a donné aucune lettre à porter.

Étant entré dans son parloir, pour apporter du bois, je l’ai vue jeter dans la cheminée plusieurs papiers déchirés et froissés ; en avivant le feu, j’ai trouvé moyen de pousser de côté sous les cendres plusieurs fragments de papier écrits de sa main et froissés en boule ; elle ne s’est aperçu de rien. Lorsqu’elle est sortie, je suis venu en hâte et j’ai pu retirer les papiers, à demi brulés ; j’y ai trouvé les passages d’un brouillon de lettre adressée à madame Wilson, alors absente de Paris.

Ces fragments d’une lettre de la princesse à Madame Wilson, les voici :

— « … Je viens d’avoir une explication avec mon mari : il sait tout… du reste, je l’ai trouvé.
 
… Avant trois jours tout doit être décidé.
Jugez si j’aurais eu besoin de vous voir, de me consulter avec vous ! J’ai la tête perdue ; … mais, je le sais, vous ne pouvez quitter votre pauvre enfant et venir à Paris… Aussi je
 

« Ma perplexité est affreuse ; fuir avec Just, lui consacrer ma vie, accepter le sacrifice de la sienne ; nous retirer dans quelque retraite obscure pour y vivre et y mourir heureux, ignorés, oubliés, ce serait le ciel… Just est le seul au monde à qui je confierais ma destinée…

« Pourquoi hésiter alors ? me direz-vous.

« Voici pourquoi j’hésite :

« La mémoire de ma mère est encore à cette heure outrageusement calomniée… À son lit de mort elle m’a dit : Je meurs innocente. Elle est donc innocente… je le crois, je le sais, je le sens ; mais ces preuves de réhabilitation, que deux fois j’ai espéré de décou-