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Page:Sue - Les misères des enfants trouvés IV (1850).djvu/113

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— Ah çà ! où allons-nous ? — me dit-il.

— Rue du Dauphin… Vous vous arrêterez à quelques pas du n° 3, et j’attendrai dans la voiture…

— Bon.

— S’il y a un fiacre à la porte du n° 3 ou s’il en vient un plus tard, vous descendrez de votre siège, et, en vous promenant de long en large, vous remarquerez s’il ne sort pas de la maison, pour monter dans ce fiacre, un homme habillé en Pierrot à carreaux bleus…

— Habillé comme vous ?

— Comme moi.

— Et après ?

— Votre voiture suivra celle où il montera, s’arrêtera où elle s’arrêtera, et si vous voyez ce Pierrot en descendre… quelque part, vous me préviendrez

— C’est entendu ! Seulement, avouez que c’est joliment drôle qu’une affaire sérieuse, comme vous dites, Martin, se traite entre Pierrots ?

— C’est très-singulier, en effet, mon brave Jérôme ; autre chose de très-important : dans le cas où, plus tard, dans la nuit, vous me verriez revenir et monter dans votre voiture… avec ce Pierrot…

— À carreaux bleus ?

— À carreaux bleus… Ayez surtout soin, je vous en conjure, de ne pas m’appeler Martin… Si mon nom vous échappait, tout serait perdu !!!

— Diable !

— Ce n’est pas tout : afin de mieux dérouter encore… l’autre Pierrot… si revenant avec lui, nous montions tous deux dans votre voiture, et que je vous dise d’aller à tel endroit, vous me répondrez… vous me répondrez… Oui, Monsieur le marquis, je suppose.

— Pour que l’autre Pierrot… vous prenne pour un marquis ?

— Justement… Il faut qu’il me prenne pour ce que je ne suis pas.

Jérôme, avant de monter sur son siège, me dit d’un air sérieux, presque ému cette fois :

— Dites donc, mon bon Martin… qui est-ce qui aurait jamais dit tout ça… quand, le premier jour de votre arrivée à Paris, je vous ai trimbalé depuis la rue du Montblanc jusqu’à l’impasse du Renard ?… Je vous parle de ça, parce que c’est comme une idée qui me passe par la tête.

Et Jérôme sauta sur son siège et cria à ses chevaux :