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Page:Sue - Les misères des enfants trouvés IV (1850).djvu/236

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toute-puissance paternelle… dont un des plus beaux privilèges me paraît être celui de faire emprisonner les gens… ou de les marier de force. Cela sent bien un peu son cadi… Mais enfin le tour est cruel et bien joué… Cependant, Monsieur, si bien joué qu’il soit, ce n’est pas, je pense, pour me le voir applaudir que vous me faites l’honneur de venir chez moi.

— En effet, Madame… il m’a fallu un motif grave pour m’amener chez vous… pour m’abaisser jusqu’à vous donner, même pendant un instant, la pensée que j’étais assez misérable pour venir écouter vos insolentes prétentions…

— Ce motif, Monsieur ?

— Madame… — reprit le comte sans répondre à cette question, — mon fils est ici.

— Monsieur… — répondit Basquine en feignant la surprise et l’embarras.

— Je vous dis que mon fils est ici…

— Mais, Monsieur…

— Il est là, — dit M. Duriveau, en faisant un pas vers la porte du boudoir, — il est là… j’en suis certain.

— Oui… il est là, — dit Basquine à voix basse et simulant une grande frayeur — mais silence… je vous en conjure… je tremble qu’il ne vous ait entendu…

— J’ai parlé haut… afin qu’il m’entendit, — ajouta le comte en faisant un nouveau pas vers la porte, — je le savais là depuis le commencement de cet entretien.

— Monsieur ! — s’écria Basquine en paraissant de plus en plus épouvantée, et se jetant au devant du comte, — Scipion… doit être… dans une irritation profonde…

— Vraiment ?…

— Oh !… prenez garde… Monsieur…

— Que je prenne garde à l’irritation de M. Scipion ? — dit M. Duriveau en souriant avec dédain.

— Je vous dis, Monsieur… qu’à votre vue, il ne se possédera plus…

— Madame, laissez-moi ouvrir cette porte…

— Ah ! Monsieur… arrêtez !  ! — dit Basquine en joignant ses mains tremblantes et paraissant éperdue. — Scipion serait déjà là s’il ne redoutait pas la violence de son premier mouvement.

— J’aurai, si vous le permettez, Madame, le courage de braver ce terrible premier mouvement.