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Page:Sue - Les misères des enfants trouvés IV (1850).djvu/295

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là… Personne ne se rebiffe, on obéit avec contentement, parce que tout appartient à un chacun, et que la besogne de chacun, petits ou grands, est profitable à tous…

Just et Régina s’étaient plusieurs fois regardés avec une surprise croissante en écoutant le langage naïf et sensé de la Robin. En devisant ainsi, ils étaient arrivés à l’extrémité de la vacherie… limite du domaine de la bonne fille, qui ajouta :

— Si vous n’attendiez pas maître Claude, je vous conduirais dans l’étable des vaches en gésine, et de celles qui allaitent, et puis dans la laiterie… C’est ça qui est superbe à voir… il y a une machine qui va toute seule, et qui bat quatre et cinq cents livres de beurre par jour… même que nous en mangeons, de ce bon beurre… C’est pas comme autrefois, où nous ne le voyions que pour le faire et pour le porter au marché ; à nous autres le caillé aigri… au bourg la bonne crème… Et les perchoirs !!… — s’écria la Robin avec enthousiasme, — et les basses-cours ! La vacherie n’est rien auprès. Vous verrez les perchoirs… qui sont sous la direction de Bruyère, une petite fille aussi belle que le jour… aussi bonne que le bon Dieu est grand… et si connaisseuse et savante aux choses des champs, qu’elle en remontrerait aux plus vieux laboureurs et bergers !

— Et cette jolie petite merveille habite ici ? — demanda Régina avec intérêt.

— Oui, Madame… elle a eu bien du chagrin… dans le temps ! mais je crois que ça se passe… D’ailleurs, comme elle n’avait jamais été bien gaie, la peine, ça s’aperçoit moins chez elle que chez une autre… mais vous verrez ses perchoirs, ses basses-cours. Il y a toujours là trois ou quatre mille volailles… dindes, oies ou pintades, divisées par troupeaux de deux cents… un enfant de dix ans et un chien suffisent à conduire chaque troupeau, et un homme à cheval les surveille tous. Il en va des volailles comme du beurre et du lait. Autrefois, nous ne connaissions du goût des oies et des dindes que nous élevions, que pour avoir entendu dire que c’était un très-bon manger. Aujourd’hui, nous en mangeons souvent, et en proportion, notre association en vend pour plus d’argent qu’autrefois n’en vendaient toutes les métairies réunies ensemble. Dame ! c’est tout simple, à cette heure, ces bêtes, bien nourries, pondent davantage… les petits, bien soignés, ne meurent plus par dizaine… sans compter que les renards et les fouines… qui venaient encore dévorer au moins la moitié des couvées dans les métairies isolées, sans clôtures, ne se