Aller au contenu

Page:Sue - Les misères des enfants trouvés IV (1850).djvu/307

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

C’était Martin…

Il n’avait osé reparaître devant Régina ; abrité derrière le pilier d’une des arcades, il avait tout vu… tout entendu…

Claude Gérard, essuyant ses yeux du revers de sa main, ramassa le bouquet que Régina avait laissé tomber.

Dès que la voiture fut éloignée, Martin courut à son père, et, se jetant dans ses bras, lui dit :

— Courage… mon père, courage… vous les avez entendus, ce sont deux amis de plus… Ah !… croyez-moi, avoir conquis de telles amitiés, c’est une noble et généreuse consolation !!…

— Oh ! oui… — reprit le comte en embrassant son fils avec effusion, — cela m’a fait du bien de m’entendre dire cela… devant toi… — Puis baissant la tête avec un nouvel et morne accablement, M. Duriveau murmura à voix basse :

— Hélas !… ils ne savent pas… que j’ai tué mon fils…

— Claude Gérard le sait… — dit Martin, — c’est un grand cœur aussi… et il vous aime… mon père… il vous respecte…

Le comte tendit la main à Claude, et après la lui avoir affectueusement serrée, il s’assit sur le mur d’appui de la galerie comme s’il eût sent ses forces faillir après une si vive émotion ; puis il parut absorbé dans ses pensées.

 

Claude Gérard, se rapprochant alors de Martin, lui dit à demi-voix :

— Tu étais là… toi… dont Régina a toujours ignoré le dévouement sublime ! Du moins… je lui ai rappelé ton nom.

— Comment ? — dit Martin avec émotion.

— Et Martin… Monsieur Just ? — ai-je dit au mari de Régina ; — ce fidèle serviteur que votre digne père avait placé auprès de Madame ? Qu’est-il devenu ?

— Il nous a quittés dans un voyage que nous avons fait dans le Nord, — a répondu Régina.

— Oui… je vous l’ai dit, Claude… — reprit Martin, — mes forces étaient à bout… Cette malheureuse passion ne s’était pas assoupie… et la vue du bonheur enivrant de Régina… avait, je l’avoue à ma honte, épuisé mon courage… J’ai préféré redevenir artisan… jusqu’au moment où j’aurais assez gagné pour revenir en France.

— J’ai regretté Martin, — m’a dit ensuite Régina ; — c’était un serviteur probe et zélé…

— Un serviteur… probe… et zélé… — dit Martin, avec une ré-