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Page:Sue - Les misères des enfants trouvés IV (1850).djvu/38

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— Maman… oh ! maman ! — cria l’enfant.

— Hélas ! Monsieur, vous voyez bien que nous n’avons que ces deux chambres… — dit la femme, — où voulez-vous que soit la princesse ?…

Soudain des cris éloignés arrivèrent jusqu’à moi, sourds, étouffés comme s’ils fussent sortis d’une pièce contiguë à celle où était couchée la fausse malade, chambre masquée sans doute, ainsi que je l’avais soupçonné.

Cette voix était celle de Régina ; elle criait :

— Au secours !… au secours !…

J’entendis un grand bruit, comme celui d’un placard enfoncé par un choc violent… aussitôt les cris de Régina arrivèrent jusqu’à moi, aussi éclatants qu’ils avaient été jusque-là voilés…

À ces cris succéda un moment de silence, puis le piétinement sourd qui accompagne une lutte violente.

Ce bruit se rapprocha tout à coup, comme si cette lutte se fût poursuivie dans la pièce à la porte de laquelle j’écoutais.

Malgré mon ardente curiosité, craignant d’être surpris, j’allais m’éloigner précipitamment, lorsque j’avisai dans la pièce où je me trouvais, un petit escalier qui me parut conduire à une sorte de soupente, pratiquée au-dessus de la pièce voisine ; je m’y élançai, j’arrivai à un grenier éclairé par une lucarne, et seulement plancheyé ; en collant mon oreille sur le plancher formant le plafond de la pièce où se tenait la fausse paralytique, j’entendis très-distinctement continuer le bruit de la lutte, et les exclamations suivantes :

— Monsieur ! — disait le comte Duriveau d’une voix sourde, haletante, — un galant homme n’en frappe pas un autre !…

— Vous, un galant homme ? — répondit le capitaine Just, qui semblait ne plus se posséder.

— Monsieur ! — disait le comte en balbutiant de rage, — Monsieur… c’est une… lutte de crocheteurs…

Le bruit dura encore une seconde à peine ; puis j’entendis la voix du capitaine Just s’adresser à Régina.

— Pardon, Madame, d’avoir châtié cet homme devant vous… je n’ai pas été maître de mon indignation… Maintenant, Madame…

— Oh ! murmura M. Duriveau, alors dégagé des mains du capitaine, — ce sera un duel à mort… entendez-vous ?… à mort !…

— Mon Dieu ! elle se trouve mal ! — s’écria le capitaine. — Madame ! revenez à vous… Madame…