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Page:Sue - Les misères des enfants trouvés IV (1850).djvu/69

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d’airain, qui se fait prier de chanter des bergerades, et enfin M. Dumolard, l’énorme frère de Madame Wilson.

La princesse m’a sonné pour m’ordonner d’apporter du bois, peu de temps après l’arrivée du dernier visiteur ; j’ai été étonné de trouver la conversation fort animée, et de voir Régina, la joue légèrement colorée, parler avec animation d’une chose parfaitement futile, autant que j’en ai pu juger.

Redoutant sans doute la solitude, elle voulait s’étourdir ou tuer le temps jusqu’au lendemain, jour où elle croyait avoir une entrevue, si grave pour elle, avec le capitaine Just. Je ne me trompais pas : au bout de six minutes, je fus appelé de nouveau par la sonnette de la princesse ; j’allais entr’ouvrir les portières, lorsque j’ai entendu le beau d’Erfeuil dire, du bout des lèvres :

— En vérité, princesse, vous êtes charmante d’accepter si gracieusement cet impromptu de petit spectacle et de souper.

— J’accepte, — dit la princesse, — mais à condition que Madame Wilson pourra venir avec moi, car M. de Montbar ne dîne pas ici ce soir.

Au moment où j’entrai, M. Dumolard s’écriait :

— Je réponds de ma sœur, elle n’a rien à faire ce soir ;… je vais la prévenir, elle vous attendra, Madame la princesse, et moi aussi, je serai votre chaperon… à toutes deux. Ah çà ! vous ne voulez donc pas de ma voiture ? J’adore prêter ma voiture, c’est ma spécialité… eh !… eh !…

— Vous êtes trop obligeant, — répondit la princesse en souriant, — et elle me dit :

— Vous demanderez ma voiture pour six heures et demie.

Au moment où je sortais, le beau d’Erfeuil disait à la princesse :

— C’est bête comme je ne sais quoi, les mélodrames ; mais c’est égal, j’aime à tout voir… moi.

Et le beau jeune homme sourit d’un air malicieux.

— Moi, j’aime, au contraire, à arriver à la moitié, c’est bien plus drôle, — dit le gros M. Dumolard ; — ça fait l’effet d’une charade, on cherche le mot jusqu’à la fin, et…

Malheureusement, m’éloignant de plus en plus, je perdis la fin de cette belle réflexion.

— C’est singulier, — ai-je pensé en me retirant, — il me semble que je trouverais autre chose à dire, si j’avais l’honneur d’être admis dans le salon de Madame de Montbar.