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Page:Sue - Les misères des enfants trouvés I (1850).djvu/149

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Raphaële l’aimait à en mourir ; madame Wilson devait donc à tout prix calmer les craintes de sa fille et la rassurer sur l’avenir d’un amour qui était toute sa vie.

Telle avait été la ligne de conduite de Mme Wilson envers Raphaële jusqu’à ce moment, où celle-ci venait de lui faire un si pénible aveu, aveu bientôt complété par les révélations suivantes :

Quelques jours avant de partir de Paris pour la Sologne avec sa mère, Raphaële, profitant d’un moment de liberté, avait cédé aux instances passionnées de Scipion, et était allée au rendez-vous qu’il lui avait donné.

Un assez long espace de temps s’était écoulé depuis ces tristes aveux.

Raphaële et sa mère restaient silencieuses, mornes, accablées.

Madame Wilson, accoudée sur le bras d’une chaise longue, semblait en proie à une douleur profonde ; elle attachait sur sa fille un regard rempli de tristesse, de pitié, d’amour et de pardon…

Raphaële, pâle, la tête baissée, les yeux fixes, les mains croisées sur ses genoux, semblait inerte, insensible… de temps à autre, de grosses larmes coulaient silencieusement sur ses joues blanches et froides comme le marbre.

— Raphaële, — dit tout à coup Mme Wilson, écoute-moi… ma pauvre enfant…

À ces mots, qui disaient l’indulgence, la tendresse infinies de sa mère, la jeune fille tressaillit et couvrit les mains de Mme Wilson de larmes et de baisers.

— Relève-toi… calme-toi… mon ange… j’ai moi-même grand peine à contenir mon émotion… Ayons du courage… parlons de toi… parlons de nous…

— Je vous écoute, ma mère, — dit Raphaële en tâchant de contenir ses larmes.

— Nous sommes, vois-tu, deux femmes, seules, isolées ; nous ne pouvons prendre conseil que de nous-mêmes ; tu sais ce que nous pouvons attendre de ton oncle… C’est à nous seules, chérie, à prendre une résolution pour l’avenir… Tu as dit vrai… Dieu m’a punie de la cruauté avec laquelle j’ai parlé de cette pauvre fille des champs… Dieu m’a punie… Mais qu’il ne punisse que moi, et je le bénirai… Il y a un instant, tes doutes sur l’amour de Scipion me paraissaient peu fondés… à cette heure ils me paraissent insensés, car maintenant je m’explique la froideur apparente de Scipion… cette froideur, il se l’imposait dans votre intérêt à tous deux.