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Page:Sue - Les misères des enfants trouvés I (1850).djvu/236

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CHAPITRE XI.

Une cure miraculeuse. — Arrestation de Martin et de Bête-Puante. — Surprise. — Cynisme du comte Duriveau. — Les métayers chassés de la ferme. — La chambre de Martin. — Lettre au Roi. — Mémoires de Martin.

Martin poursuivit, s’adressant au braconnier dont l’exaltation allait toujours croissant :

— Non, Claude je ne crois pas à la toute-puissance des moyens terribles… l’humanité les désavoue…

— La gangrène se guérit par le fer rouge… ton père et ton frère sont pourris jusqu’à la moelle…

Après un moment de silence, Martin reprit :

— Tenez, Claude, laissez-moi vous citer un fait étrange, presque merveilleux, dont j’ai été témoin, et qui vous rendra ma pensée ; j’avais alors pour maître un médecin illustre, savant célèbre, penseur profond. Un jour il est appelé auprès d’un riche malade ; il trouve un homme expirant, épuisé par l’excès de tous les plaisirs ; le sang, appauvri, vicié dans son essence, circule lentement dans ses veines presque taries, non plus comme un fluide de vie, mais comme un fluide de mort. Les plus grands docteurs ont abandonné ce malheureux, prédisant sa fin prochaine… Le savant, le penseur profond, se souvient alors de ces histoires mystérieuses, effrayantes, qui parlent de sang jeune et généreux, infibulé dans la veine épuisée de quelques vieillards exténués de débauches.

— Je te disais bien, moi, qu’il fallait du sang ! — s’écria le braconnier avec un accent de farouche triomphe.