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Page:Sue - Les misères des enfants trouvés I (1850).djvu/95

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réfléchir à la demande de la mère, la jeune fille détacha lentement une des branches de bruyère qui ornaient ses cheveux bruns, l’approcha de ses lèvres vermeilles qui paraissaient murmurer de mystérieuses paroles, puis, d’un air solennel qui contrastait avec sa petite taille et sa figure enfantine, elle tendit à la pauvre femme cette brindille verte et rose, et lui dit :

— Prenez cette branche de bruyère…

— Merci, ma chère fille… — dit la pauvre femme en prenant le léger rameau avec une sorte de circonspection respectueuse.

— Dès que vous aurez le matelas que maître Chouart vous donnera pour votre enfant, — poursuivit la jeune fille, — vous couperez ce petit rameau de bruyère en sept morceaux… ni plus, ni moins… c’est important.

— En sept morceaux ? — répéta la femme en écoutant la jeune fille avec un profond recueillement.

— Mais, pour le couper, vous attendrez le coucher du soleil, — ajouta Bruyère en portant son index à ses lèvres, pour donner, par ce geste, plus de poids encore à sa recommandation.

— Oh ! bien sûr, j’attendrai le coucher du soleil, — reprit la mère.

— Alors, — poursuivit la magicienne, — vous mettrez dans la laine du matelas les sept brins de bruyère, et vous le recoudrez.

— Et à quel endroit du matelas faudra-t-il les mettre, ma chère fille ?

— Trois brins à un bout, quatre brins à l’autre.

— Trois brins à un bout, quatre à l’autre, — répéta la femme, toujours avec le même respectueux recueillement.

— Seulement vous mettrez un peu plus de laine du côté où seront les quatre morceaux, et de ce côté-là s’appuiera la tête de votre enfant.

— Je ne l’oublierai pas… ma chère fille.

— Mais faites bien attention, — ajouta Bruyère d’un air grave, — pour que les brins du rameau gardent l’effet des paroles, il faut que, tous les quinze jours… vous décousiez le matelas, que vous laviez bien sa toile, au lever du soleil.

— Bon ! ma chère fille.

— Et qu’ensuite vous mettiez la laine au grand air pendant sept heures.

— Tous les quinze jours… pendant sept heures… oui, ma chère fille, je n’y manquerai pas non plus.