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Page:Sue - Mathilde, tome 3.djvu/248

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ma cousine et mon mari ne parlaient pas de moi !

Oui… il y a tant de puéril égoïsme dans la douleur ; dès qu’on souffre, on se croit si intéressant, si digne de pitié, que, dans un désespoir insensé, l’on demande des sentiments humains à ceux mêmes qui vous blessent.

Ainsi, je me disais avec amertume : — « Comment Gontran et Ursule qui m’aiment tant… ne pensent-ils pas à moi dans ce moment ? Rien de plus naturel cependant. Oui… et cela est si naturel qu’il faut qu’ils soient nécessairement sous le charme d’une vive préoccupation pour choisir un autre sujet d’entretien. »

Hélas ! maintenant je, rougis de ces sots raisonnements ; mais je commençais à reconnaître que le chagrin n’est jamais plus intense, plus affreux, que lorsqu’il vous inspire des raisonnements absurdes et touchant au grotesque.

Les pas se rapprochèrent.

Il me sembla cette fois qu’Ursule et Gontran marchaient plus lentement, que de temps en temps ils s’arrêtaient.

Gontran disait d’une voix douce et sup-