Page:Sue - Mathilde, tome 4.djvu/275

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

courbe, ébranle tout dans son tourbillon ; non, non… au moins, l’orage passé, si tout a cruellement souffert, tout n’est pas détruit ; ce que j’éprouvais, c’était un envahissement sourd, croissant ; peu à peu il glaçait et anéantissait mon amour… comme ces muettes inondations qui montent, montent, jusqu’à ce qu’elles aient tout englouti sous leur effrayant niveau et qu’elles n’offrent plus à l’œil épouvanté qu’une immensité déserte, silencieuse, où rien… rien n’a surnagé.

D’abord stupéfait, mon mari me répondit avec un dépit concentré.

— La soudaineté même de votre désenchantement à mon égard vous prouve qu’il n’est pas sincère ; sans doute, j’ai des torts… j’ai de grands torts envers vous, mais je ne mérite pas un traitement pareil.

— Il arrive ce qui devait arriver, Gontran ; je m’y attendais, votre amour-propre se révolte à cette pensée : que je ne puis plus vous aimer… que je ne vous aime plus… Je conçois même que la soudaineté de mon désenchantement, comme vous dites, puisse entretenir votre illusion à cet égard… mais vous vous