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Page:Sue - Mathilde, tome 5.djvu/294

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seront grands, plus ils nous seront comptés. ! »

— Mathilde — s’écria-t-il avec exaltation — ne me parlez pas du passé, un abîme sépare hier d’aujourd’hui !

— Alors donc, mon ami — lui dis-je en souriant doucement — alors, comme la fée de la légende, je jetterai un pont invisible sur cet abîme, je vous prendrai par la main, et je vous ramènerai dans notre région céleste, toute rayonnante de pureté, de noblesse et d’honneur, où, comme par le passé, nos deux âmes planeront encore fières et radieuses de leur élévation.

Malgré le sourire que j’avais aux lèvres, mon cœur était navré ; M. de Rochegune semblait douloureusement affecté de mes paroles. Il resta quelque temps silencieux, puis il reprit, avec une tristesse douce, accablée, presque craintive :

— Vous avez raison, Mathilde ; le passé a été tel que vous le retracez. J’ai eu ces généreuses croyances, ces nobles inspirations ; je vous ai aimée ainsi. Mon caractère était énergique, ma volonté ferme, ma parole sacrée,