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Page:Sulte - Histoires des Canadiens-français, 1608-1880, tome I, 1882.djvu/118

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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

Les traiteurs déjà arrivés à Tadoussac, sachant que Champlain avait projeté de se rendre au Saut, se mirent en devoir de le suivre, dans l’espérance « de revenir riches comme d’un voyage des Indes. » Rendu à Québec, vers la fin de mai, un Rochelois, du nom de Trésard, demanda à Champlain la permission de l’accompagner à la traite du Grand-Saut, « ce que je lui refusai, disant que j’avais des desseins particuliers, et que je ne désirais être conducteur de personne à mon préjudice… et que je ne désirais ouvrir le chemin et servir de guide, et qu’il le trouverait assez aisément sans moi. » Pontgravé rejoignit Champlain au Saut, le premier juin, apportant nouvelle qu’il n’avait rien pu faire de profitable à Tadoussac. Il était suivi des traiteurs rivaux, « pour y aller au butin. » Le 13, on vit arriver deux cents Hurons, qui amenaient le jeune Français (Étienne Brulé), parti avec eux l’année précédente, lequel avait fort bien appris leur langue. Il y avait en ce moment treize barques françaises venues pour la traite.

Champlain se fit donner de copieux renseignements sur le pays des Hurons et sur celui des Algonquins. Quatre Sauvages lui affirmèrent qu’ils avaient vu une mer fort éloignée de chez eux. Ils lui parlèrent aussi de quelques Sauvages de la Floride qui étaient allés les visiter récemment. Nous avons mentionné ci-dessus les communications existant entre les races des bords de l’Atlantique et celles de la contrée des grands lacs. Au moment du départ, les Hurons furent suivis par un jeune homme que leur confia le capitaine Bouyer, l’un des traiteurs, et les Algonquins en amenèrent un autre choisi par Champlain ; les premiers retournaient dans leur pays, à cent cinquante lieues du saut Saint-Louis, disaient-ils, et les seconds, à quatre-vingts lieues, ce qui correspond à l’île des Allumettes. Le jeune homme qui accompagna, en cette circonstance, les Algonquins pour hiverner avec eux, était Nicolas Vignau, dont nous avons à parler plus loin.

Les Algonquins avaient promis de venir au rendez-vous au nombre de quatre cents. Lorsqu’ils y arrivèrent, le 13 juillet, ils n’étaient que vingt-quatre canots, dont la moitié marchait en équipage de guerre contre les Iroquois. Le 15, abordèrent, à la place Royale, quatorze autres canots.

La traite ne fut pas fructueuse. Il y avait trop de marchands, et d’ailleurs, les Sauvages, outre qu’ils avaient apporté peu de pelleteries, se défiaient de tous ceux qui n’étaient pas sous les ordres de Champlain. Quelques-uns ayant été battus par ces Français, le gros des Hurons, le parti le plus nombreux, alla camper dans les bois. Ils eurent avec Champlain des conférences très amicales ; lui promirent de le guider dans ses découvertes et de l’aider à propager les notions du christianisme dans leur pays. En reconnaissance de ces bons procédés et des cadeaux qu’ils lui firent, il promit de demander au roi quarante ou cinquante hommes qui les accompagneraient pour les protéger dans leurs voyages.

Pontgravé était parti, le 11 juillet. Champlain le suivit, le 16, et, dès le 19, il était rendu à Québec, ou, écrit-il, je disposai la plupart d’un chacun à demeurer en la dite habitation ; puis y fis faire quelques réparations, planter des rosiers, et fit charger du chêne de fente pour faire l’épreuve en France, tant pour le marin lambris que fenêtrage.