Aller au contenu

Page:Sulte - Histoires des Canadiens-français, 1608-1880, tome I, 1882.djvu/130

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
118
HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

restreints de leurs cultures, nos colons suppléèrent, tant bien que mal, aux provisions défaillantes, et parvinrent à passer sans trop d’encombre ce misérable hiver. Ils étaient soutenus comme toujours par un courage intelligent et par cette gaîté fertile en expédients dont Lescarbot nous a si bien dépeint l’influence ; la colonie était pauvre, mais non pas énervée et maladive, parce que les hommes étaient énergiques et industrieux. » (Rameau)

Le Frère Du Thet repassa en France au milieu de l’été 1612, après l’appaisement des dissensions ci-dessus, et il induisit madame de Guercheville à fonder un poste séparé. En conséquence, elle équipa un navire de cent tonneaux, capitaine Charles Flory, de Hableville, qui partit de Honfleur, le 12 mars 1613, sous le commandement du capitaine La Saussaye, et arriva à la Hève, en Acadie, le 16 mai, d’où il se rendit à Port-Royal. La reine avait contribué à l’achat des armes et de quelques munitions. À part les matelots, au nombre d’une quinzaine, il y avait vingt-sept personnes qui se proposaient d’hiverner dans le futur établissement, dit Champlain, ce qui ne nous renseigne que médiocrement sur la classe à laquelle appartenaient ces braves gens. Le Père Jacques Quentin et le Frère Gilbert Du Thet, qui en était à son second voyage au Port-Royal, accompagnaient l’expédition, avec le dessein de retourner en France dans le même navire.

Des chevaux et des chèvres, des approvisionnements pour une année, quatre tentes ou pavillons et autres effets étaient transportés en même temps.

La Saussaye ne trouva au Port-Royal que cinq personnes : les deux Pères Jésuites, Hébert, apothicaire, qui tenait la place du sieur de Biencourt pendant que celui-ci était allé bien loin chercher de quoi vivre ; Valentin Pageau, domestique des Pères, et un engagé. « Ce fut à lui (Hébert) qu’on présenta les lettres de la reine pour relâcher les Jésuites et leur permettre d’aller où bon leur semblerait ; ce qu’il fit : et ces Pères retirèrent leurs commodités du pays (Port-Royal), et laissèrent quelques vivres au dit Hébert, afin qu’il n’en eut nécessité ; » et, ajoute le Père Biard, « tant ce jour que le suivant, on fit bonne chère à Hébert et à son compagnon (l’autre homme était serviteur des Pères), afin que cette venue ne leur fut pas triste. »

Une île, située dans la rade de Port-Royal, et une petite rivière qui coule non loin de là, ont reçu, dès 1605 ou 1606, le nom d’Hébert, lequel a été corrompu en Imbert par les cartographes ; finalement, les Anglais leur ont imposé les appellations de Bear Island et de Bear River.

Hébert était retourné en Acadie l’année 1610. Comme il est certain qu’il repassa en France trois ans après (1613), et qu’il alla s’établir à Québec avec sa famille en 1617, nous ne saurions rattacher à sa descendance les Hébert d’Acadie qui ont maintenant parmi les divers groupes acadiens plusieurs milliers de représentants ; mais il peut y avoir eu parenté entre les deux souches.

Les Pères Jésuites suivirent La Saussaye, qui les conduisait aux monts Déserts, à l’entrée de la rivière Pentagoët, sur une île qu’ils nommèrent Saint-Sauveur, et où La Saussaye débarqua trente hommes.