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Page:Sulte - Histoires des Canadiens-français, 1608-1880, tome I, 1882.djvu/144

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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

Muses si vous chantez vraiment je vous conseille
Que vous loueiez Champlain pour être courageux
Sans crainte des hasards, il a vu tant de lieux
Que ses relations nous contentent l’oreille.

Il a vu le Pérou[1], Mexique, et la merveille
Du vulcain infernal qui vomit tant de feux ;
Et les sauts Mocosans[2] qui offensent les yeux
De ceux qui osent voir leur chute nonpareille.

Il nous promet encore de passer plus avant,
Réduire les Gentils et trouver le Levant,
Par le nord ou le sud, pour aller à la Chine.

C’est charitablement tout pour l’amour de Dieu.
Fi ! des lâches poltrons qui ne bougent d’un lieu !
Leur vie, sans mentir, me paraît trop mesquine.

Au printemps de 1609, les Algonquins et les Hurons s’étaient engagés, si Champlain les assistait contre leurs ennemis, de le guider dans la découverte du Haut-Canada, et de lui faire voir le lac de leur pays (lac Huron), ainsi que les mines de cuivre, etc., dont ils lui avaient parlé dès 1603. Champlain les suivit à la guerre, cet été, 1609, comme nous l’avons vu, et découvrit le lac qui porte son nom. Quelques semaines après, Henri Hudson, Anglais de nation, mais en ce moment au service de la Hollande, et qui cherchait, lui aussi, la route des grandes Indes, remonta la rivière Manhatte (aujourd’hui Hudson) jusqu’au dessus du lieu où se trouve Albany. En pénétrant un peu plus loin, chacun de son côté, Champlain et Hudson se seraient rencontrés.

Lescarbot écrivait le passage suivant en 1610. Parlant de l’ardeur que Champlain met aux découvertes, il dit : « Il nous promet de ne cesser jamais qu’il n’ait pénétré jusqu’à la mer Occidentale, ou celle du Nord, pour ouvrir le chemin de la Chine, en vain par tant de gens recherché. Quant à la mer Occidentale, je crois qu’au bout du grandissime lac qui est bien loin outre celui (l’Ontario) dont nous parlons en ce chapitre, il se trouvera quelque grande rivière laquelle se déchargera dans icelui, ou en sortira, comme celle de Canada, pour s’en aller rendre en icelle mer. Et quant à la mer du Nord, il a espérance d’en approcher par la rivière du Saguenay, n’y ayant pas grande distance du principe de la dite rivière à la dite mer. Cela étant, il y aura assez d’exercice pour la jeunesse française en ces quartiers-là, et par aventure, les hommes de moyens auront du ressentiment et de la honte de demeurer accroupis en leurs maisons, là où tant de lauriers et de biens se présentent à conquérir. »

Tandis que ces lignes s’écrivaient en France, les Montagnais promettaient à Champlain qu’au retour de la guerre, ils « le mèneraient découvrir les Trois-Rivières jusqu’à un lieu où il y a une si grande mer, qu’ils n’en voyent point le bout, et nous en revenir par le Saguenay

  1. Pas que nous sachions.
  2. Mocosa, ancien nom de la Virginie, ce qui, par rapprochement, se rapporterait au Niagara. Pas plus que le Pérou, Champlain ne l’avait vu, mais on sait qu’il en avait entendu parler.