Page:Sulte - Histoires des Canadiens-français, 1608-1880, tome I, 1882.djvu/15

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
13
HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

Colas Barbe, Guillaume de Guernesé, Eustache Grossein, Guillaume Allierte, Antoine Allierte, Jean Ravy, Guillaume le Gentilhomme, Jean le Gentilhomme, Raoullet Maingart, Pierre Maingart, Michel Maingart[1], François Duault, Hervé Henry, Ivon Le Gal, Jean Colas, Jacques Poinsault, Jacques Duboys, Julien Plantirvet, Jean Go, Michel-Lucas Clavier, Goulset Riou, Jean-Jacques de Morbihan, Pierre Nyel, Legendre-Est. Leblanc, Jean Pierres, Jean Comuyres, Louis Douayrer, Pierre Coupeaulx, Pierre Jonchée, Laurent Gaillot, Charles Gaillot, Guillaume Bochier, Michel Eon, Jean Antoine, Jean Margen, Bertrand Apuril, Gilles Staffin, Geoffroy Ollivier, Jean Gouyon, Philippe Rougemont, natif d’Amboise, âgé d’environ vingt ans, mort du scorbut, février 1536.

L’hivernage de Cartier à Sainte-Croix (1535-36) est surtout remarquable par la maladie qui décima ses hommes. C’était une espèce de scorbut, appelé plus tard mal-de-terre, mais que l’on pourrait qualifier plus proprement de mal-de-mer, parce que, selon toute évidence, il provenait des vieilles salaisons que portaient les vaisseaux. Pour n’avoir pas su se nourrir de viandes fraîches que pouvait produire la chasse, les marins perdirent vingt-cinq ou trente des leurs, ceux-là même, probablement, qui manquent à la liste ci-dessus ; car les trois équipages s’élevaient à cent dix hommes. Les autres malades furent guéris par les Sauvages, qui leur firent boire à cet effet une décoction d’épinette blanche.

La mention d’aumôniers dans la liste que l’on vient de lire est toute à l’honneur de Cartier. Déjà, dans son premier voyage, il avait amené au moins un prêtre avec lui, puisque, rendu, le 10 juin 1534, dans le port de Brest (aujourd’hui baie du Vieux-Fort), sur la côte du Labrador, il écrit : « Le jour de Saint-Barnabé (11 juin), après avoir ouï la messe, nous tirâmes outre ce port vers l’ouest pour découvrir… » et plus loin : « Le treizième jour du dit mois (juin), nous retournâmes à nos navires pour ce que le temps était beau, et le dimanche fîmes dire la messe. Le lundi suivant, qui était le quinzième, partîmes… » Le 6 de juillet, étant à l’entrée de la baie des Chaleurs, il dit avoir entendu la messe. L’année suivante, 6 septembre 1535, il arrive à une île « pleine de beaux et grands arbres de plusieurs sortes ; entre autres y a plusieurs coudres franches que trouvâmes fort chargées de noizilles aussi grosses et de meilleure saveur que les nôtres, mais un peu plus dures ; et pour ce, la nommâmes île aux Coudres. Le septième jour du dit mois, jour de Notre-Dame, après avoir ouï la messe, nous partîmes de la dite île pour aller à mont le fleuve… » Parvenu à Stadaconé, les Sauvages voulurent dissuader Cartier de se rendre jusqu’à Montréal, prétextant des périls extraordinaires. Un chef lui demanda même « s’il avait parlé à Jésus, » sachant que ce nom était tenu en grande vénération par les Français. Cartier lui « répondit que ses prêtres y avaient parlé et qu’il ferait beau temps. » Vers le printemps de 1536, la maladie exerçant des ravages parmi ses hommes, il fit porter en procession une statue de la sainte Vierge près d’un arbre « et ordonna que le dimanche ensuivant, on dirait au dit lieu la messe. » Voilà assez de preuves pour clore toute discussion.

  1. Le parrain de Jacques Cartier se nommait Guillaume Maingart. Les quatre Maingart ci-dessus étaient probablement ses fils.