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Page:Sulte - Histoires des Canadiens-français, 1608-1880, tome I, 1882.djvu/42

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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

Ici commence l’introduction des Normands dans les affaires du Canada. Ils devaient, à la longue, y supplanter les Malouins.

Le roi, qui avait pleine confiance en Chauvin, n’hésita pas à le revêtir d’autant de pouvoir qu’il en exigeait pour son trafic, et pour chasser du fleuve et des bords de la mer les autres Français qu’il y trouverait. Grande faute qui s’est répétée et n’a produit aucun bien en aucun lieu, mais beaucoup de mal partout.

Pontgravé, dit M. Moreau, « forma le projet d’une société qui exploiterait à son profit les richesses de la mer et de la terre dans ces parages ; mais, à l’exemple de Cartier, il porta principalement son attention sur le golfe et le fleuve de Saint-Laurent. Toutefois, c’est sa féconde initiative qui a été, plus tard, l’occasion de la découverte et de la colonisation de l’Acadie. Il a, de plus, eu le mérite de donner l’exemple de ces associations de navigateurs et de marchands auxquelles le gouvernement lui-même a eu recours quand il a voulu imprimer une impulsion plus vive au mouvement de nos colonies américaines ; mais on doit lui reprocher d’avoir toujours eu moins en vue les avantages d’une fondation stable, d’un établissement solide, que les profits actuel de son industrie. » (Histoire de l’Acadie, 11-12.)

Ce jugement qui le place, avec raison, au dessous de Champlain, n’en montre pas moins Pontgravé comme un caractère digne de fixer l’attention. Il suffit de se rappeler ce que l’on ne faisait pas ou ce que l’on refusait de faire en France pour prendre un pied-à-terre définitif au Canada, alors que Pontgravé consacrait sa vie et une ardeur qui ne se démentit jamais, au service de cette cause nationale incomprise. S’il a espéré y faire fortune, évidemment il était moins désintéressé que Champlain, mais son rôle n’est pas sans conséquence ni mérite.

Cent vingt-cinq ans plus tard, Charlevoix écrivait : « Le Canada n’enrichit point la France : c’est une plainte aussi ancienne que la colonie, et elle n’est pas sans fondement. On n’y trouve point d’habitants riches, cela est encore vrai. Est-ce la faute du pays, et n’y a-t-il pas beaucoup de celle des premiers colons ? C’est sur quoi je vais tâcher de vous mettre à portée de prononcer. La première source du malheur des provinces qu’on a honorées du beau nom de Nouvelle-France est le bruit qui se répandit d’abord dans le royaume qu’elles n’avaient point de mines. On ne fit pas assez d’attention que le plus grand avantage qu’on puisse retirer d’une colonie est l’augmentation du commerce ; que, pour parvenir à ce dessein, il faut faire des peuplades ; que ces peuplades se font peu à peu et sans qu’il y paraisse dans un royaume tel que la France ; et que les deux seuls objets qui se présentèrent d’abord dans le Canada et dans l’Acadie, je veux dire la pelleterie et la pêche, demandaient que ces pays fûssent peuplés ; que, s’ils l’avaient été, ils eûssent peut-être donné plus de retours à la France que l’Espagne n’en a tiré des plus riches provinces du nouveau-monde, surtout si on y eut ajouté la construction des vaisseaux : mais l’éclat de l’or et de l’argent, qui venaient du Mexique et du Pérou, éblouit tellement les yeux de l’Europe entière, qu’un pays qui ne produisait pas ces précieux métaux était regardé comme un mauvais pays. Le seul commerce auquel on s’est longtemps borné dans cette colonie est celui des pelleteries, et on ne saurait dire les fautes qu’on y a faites. Jamais, peut-être, le génie de notre nation n’a mieux paru qu’à ce