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Page:Sulte - Histoires des Canadiens-français, 1608-1880, tome I, 1882.djvu/48

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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

On se demandera quel avenir Champlain entrevoyait pour lui-même après ce voyage. Il est évident qu’il visait à se faire connaître tel qu’il était, c’est-à-dire homme d’étude, ardent au travail, et préparé à l’exécution des grandes choses que la cour de France désirerait entreprendre du côté de l’Amérique ; aussi voyons-nous que le rapport de ses deux campagnes aux Indes engagea Henri IV à lui confier la première mission de ce genre qui tomberait sous son contrôle. Il n’est rien de tel pour un simple particulier que de se rendre nécessaire en cultivant les dons que le ciel lui a départis. Champlain, âgé de trente-quatre ans, nous en offre un exemple mémorable. Celui qui devait être le premier Canadien avait fait tout jeune l’apprentissage de la vie ; il sert de modèle aux descendants des colons qu’il a fixés dans la Nouvelle-France.

Henri IV se connaissait en capacités ; il arrêta les services de Champlain, commençant par le nommer son géographe et lui faire une pension.

Sur ces entrefaites, Chauvin étant mort ou mourant, sa commission passa au commandeur de Chaste, lequel chargea d’abord Pontgravé d’un voyage d’exploration « pour en faire son rapport et donner ordre ensuite à un second embarquement, » disant qu’il s’y joindrait de sa personne et qu’il consacrerait le reste de ses jours à la fondation d’une colonie chrétienne dans le Canada. « Allant de fois à autre voir le sieur de Chaste, et jugeant que je pourrais lui servir dans son dessein, écrit Champlain, il me fit cette faveur de m’en communiquer quelque chose et me demandant si j’aurais pour agréable de faire le voyage, pour voir ce pays et ce que les entrepreneurs y feraient. » À cette proposition, flatteuse pour son mérite, Champlain répondit que tout dépendrait de la volonté du roi, ce qui ne manqua point. M. de Gesvres, secrétaire des commandements royaux, lui expédia une « lettre adressante à Pontgravé, pour que celui-ci le reçut dans son bâteau, lui fit voir et reconnaître tout ce qu’il pourrait, et l’assistât de tout ce qui serait possible en cette entreprise. »

Parce qu’il avait l’expérience des erreurs du passé, et qu’il était homme d’expédient, Pontgravé avait reçu commission du roi pour diriger la traite de Tadoussac, puis explorer le pays jusqu’au saut Saint-Louis, au-dessus de Montréal, et faire rapport. La traite, la conversion des Sauvages, la découverte, l’établissement de colons français étaient la raison de ces préparatifs.

La rencontre de deux personnes comme Champlain et Pontgravé fut un bonheur pour le Canada. À partir de 1602, ils consacrèrent leur existence, conjointement, à la fondation d’une colonie sur les rivages de l’Atlantique, puis dans l’intérieur des terres, à Québec.

L’été et l’automne de 1602 se passèrent en pourparlers. Il en résulta que les marchands et armateurs de Rouen entrèrent dans les vues de M. de Chaste et qu’une compagnie « se lia », prête à entrer en fonction au printemps suivant. Les Malouins firent un procès aux intéressés.

Le 31 octobre 1602, la « communauté de Saint-Malo » nomme Thomas Porée Les Chesnes, procureur syndic de la ville et communauté, et d’autres bourgeois et habitants, pour aller en son nom soutenir sa cause auprès du roi. Le 21 décembre, considérant que