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Page:Surell - Étude sur les torrents des Hautes-Alpes, 1841.djvu/110

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d’abord le cas où l’on a eu recours à tous les moyens en usage pour mettre la voie le plus complètement possible à l’abri du torrent. — Dans ce cas, il a fallu, avant tout le reste, songer à l’établissement d’un pont. La grande difficulté est alors de forcer les eaux à passer entre les culées, et de les y maintenir d’une façon invariable. On y est parvenu à l’aide de digues.

Ces digues sont de plusieurs sortes. — Tantôt elles consistent en deux digues continues qui sont adossées aux deux culées du pont, et qui remontent vers l’amont, en s’évasant jusqu’à ce qu’elles rencontrent des berges dans lesquelles on les enracine solidement. Elles figurent de véritables murs en aile, très-prolongés, qui rassemblent les eaux et les amènent sous le pont[1]. Ce système est le plus sûr, mais il est aussi le plus dispendieux. — D’autres fois, au lieu de digues continues, on a construit des épis échelonnés à droite et à gauche du lit qu’on veut donner au torrent. Ils se renvoient le courant, qui est jeté de réflexion en réflexion jusque sous le pont[2]. — D’autres fois, on se contente de jeter une seule digue continue de l’une des culées jusqu’à la rencontre des berges. On compte alors sur l’effet que j’ai décrit dans le chapitre XII, c’est-à-dire que la digue fixera le courant, et suffira, à elle seule, pour l’empêcher de divaguer et pour l’attirer sous l’arche[3].

Tels sont les artifices à l’aide desquels on assure le passage des eaux sous les ponts : mais comme ils entraînent dans de grandes dépenses, on a toujours cherché à les simplifier autant que possible, et dans un grand nombre de cas on a pu s’en passer, sans qu’il en résultât des inconvénients. — Beaucoup de ponts ont été jetés au milieu du lit comme au hasard, sans d’autre ouvrage accessoire que la route elle-même, qui forme un véritable barrage, dont l’ouverture du pont figure le pertuis[4]. Ces ponts ont réussi : ils ont déterminé le courant à se creuser un lit qui est demeuré invariable. — Cet effet s’est même présenté sur des traversées où le sol de la route était au niveau du lit, où celui-ci était convexe et dénué de berges, et où, par conséquent, la route ne pouvait faire office de barrage[5].

  1. Pont du Vivas, sur le torrent de Briançon.
  2. Pont de Sigouste ; — pont de Rousine ; — pont de Labéoux.
  3. Pont de Boscodon.
  4. Pont de Bramafam ; — pont de Couleaud ; — pont de Rabioux.
  5. Pont de Sachat ; — pont de Lafare.