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Page:Surell - Étude sur les torrents des Hautes-Alpes, 1841.djvu/168

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n’oppose aucun obstacle à leur furie. Bientôt Crevoux, Boscodon, Savines et tous les torrents auront anéanti ce beau bassin qui, naguère, pouvait être comparé à tout ce que les plus riches contrées possèdent de plus fertile et de mieux cultivé[1] ! »

(Potamographie du département des Hautes-Alpes.)

D’autres causes sans doute ont une large part dans ces désastres ; mais on ne peut pas contester celle due au dépérissement des forêts ; et l’on aurait déjà beaucoup fait, si l’on avait donné à l’administration locale tous les moyens qui lui manquent de rendre son régime plus tutélaire, et si elle-même se trouvait encouragée dans une voie plus sévère et moins facile aux concessions.

Il y a quelques années, on a beaucoup parlé et beaucoup écrit sur le danger des déboisements. Il est étonnant qu’à cette époque l’exemple des Hautes-Alpes n’ait jamais été hautement cité.

Comme il arrive toujours dans les questions à la mode, chacun renchérissait sur ce qui avait été dit avant lui ; et, à force de chercher des raisons toujours nouvelles, on finit par en trouver de fort équivoques. Le mal s’enfla donc, et si prodigieusement, qu’il y eut comme un cri d’alarme par toute la France.

— Cette exagération fut elle-même un grand mal. On se demanda bientôt si les influence attribuées aux déboisements sur les variations de température, sur les pluies, sur les vents, sur la composition de l’air, etc., n’étaient pas tout au moins un peu douteuses. Insensiblement, tout le monde se refroidit, et la question, portée d’abord si haut, retomba doucement dans l’oubli. — Telle est parmi nous la marche malheureuse de l’opinion : elle avance par oscillations, s’engouant un jour, puis indifférente le jour suivant. — Si elle avait persévéré ici dans sa poursuite avec sagesse et avec mesure, elle aurait aisément dégagé la vérité du milieu de quelques illusions.

Dans cet important sujet du déboisement, il y a d’abord une distinction profonde et radicale a établir entre les pays de plaine et les pays de montagnes. Les conditions des uns ne ressemblent en rien aux conditions des autres ; et si, dans les premiers, le danger des déboisements est très

  1. Voyez la note 16.