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Page:Surell - Étude sur les torrents des Hautes-Alpes, 1841.djvu/243

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manquer de prévoyance, sous peine de misères infinies, ou de révolutions terribles. L’amour croissant du bien-être matériel, et l’amélioration graduelle de la condition des pauvres, rendent la consommation de la viande de plus en plus étendue ; et pendant ce temps, nos troupeaux décroissent et dégénèrent. Ce fait, malheureusement incontestable, est général par toute la France.

Parmi les causes auxquelles il paraît devoir être attribué, on cite en première ligne le morcellement excessif et toujours croissant des propriétés, qui est défavorable à l’éducation des bestiaux. Rien ne fait pressentir le terme de ces morcellements, car les petites propriétés s’agglomèrent très-rarement pour en former de grandes, tandis que tous les jours, les grands domaines se dissolvent en lambeaux, soit par l’effet de nos lois d’héritage, soit parce que, divisés en lots, la vente en est plus expéditive et plus lucrative. — La diminution du bétail doit donc aller toujours en croissant

Il serait sage, dès lors, de se réserver en France quelques circonscriptions, qui seraient spécialement consacrées à nourrir des troupeaux, et qui fourniraient ainsi à la consommation des pays environnants. — Or, que peut-on choisir de mieux approprié à cette destination que les pays de montagnes ? Là s’étendent de vastes régions, souvent inhabitables, quelquefois d’un accès difficile, qui ne seront jamais susceptibles ni de cultures, ni de morcellements ; où il faut laisser à la nature le soin de produire, et aux bestiaux celui de rechercher la récolte et de l’enlever sur place ; ou enfin les bestiaux eux-mêmes, errant en liberté sous un ciel pur et vivifiant, semblent se plaire de préférence à tout autre lieu. Cela est si vrai que dans tous les temps, et dans tous les lieux de la terre, les troupeaux ont toujours fait la principale richesse des montagnes, et souvent même, l’unique ressource de leurs habitants.

Admettons donc qu’on leur accorde cette destination, qui leur semble assignée par la nature même, et considérons-les comme des parcs immenses, affectés à l’approvisionnement du reste de la France. — Mais alors il devient essentiel de veiller à ce que ce rôle ne leur échappe pas. Et il leur échapperait, si l’on n’environnait pas le droit de pâture de toute la prudence et de tous les soins que l’importance du sujet réclame.

Car ici, aussi, les troupeaux sont frappés d’une loi de dépérissement, qui a sa cause dans la destruction progressive des pacages et du sol végétal. Hâtons-nous donc d’arrêter le mal, et de le prévenir dans sa source. À