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Page:Surell - Étude sur les torrents des Hautes-Alpes, 1841.djvu/264

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jusque dans leur cœur, les relient au reste du monde. Arrêtez les fléaux, tels que les déboisements, les torrents, qui les ruinent et finiraient par les rendre absolument inhabitables. Attirez-y, par divers encouragements, l’industrie, qu’effrayent aujourd’hui l’isolement et le défaut de débouchés. Mettez la main à quelques travaux d’utilité locale, qui, donnant du bien-être à la population peu fortunée qui les habite, lui fourniraient les moyens de tirer elle-même parti de toutes les ressources de son territoire. Alors vous y verrez se produire ce que l’on peut déjà remarquer maintenant, à l’état de germe, dans plusieurs coins de montagnes, notamment dans les Vosges. L’industrie, trouvant dans ces pays une mine de forces intarissable, y accourra comme vers sa terre promise et s’y établira en reine ; car son empire n’est-il pas au milieu des moteurs et des machines ? Elle s’emparera de tous les produits qui l’environnent, et les manipulera sur place ; elle dépècera le bois des forêts et le marbre des carrières ; elle ne permettra plus aux troupeaux de porter ailleurs leur fine toison, et la tissera sur les lieux mêmes, ainsi que la soie si recherchée que donnent les mûriers des lieux élevés. Les richesses minérales, que renferment en si grande abondance la plupart des montagnes et qui dorment aujourd’hui ignorées dans leurs entrailles, seront mises au jour. Avec du charbon, des cours d’eau et des routes, n’aura-t-on pas, rassemblées sous la main, toutes les conditions qui rendent ces exploitations profitables, et dont l’absence, dans l’état actuel des choses, en fait presque toujours des spéculations impossibles ou ruineuses ?

Une vie nouvelle animerait les montagnes. Le bois flotterait en longs radeaux ou en bûches errantes, au fil de leurs rivières. Le roulage, remontant leurs routes à vide, se chargerait sans effort, à la descente, des plus lourds transports. Leurs solitudes se peupleraient d’usines et de fabriques ; chaque cours d’eau aurait sa file de roues, échelonnées de chute en chute tout le long de ses rives. Ce mouvement s’activerait de jour en jour, à mesure que les communications, en s’améliorant, élargiraient autour d’elles la sphère des débouchés. Finalement, elles seraient transformées en de vastes ateliers, en de gigantesques centres de travail, enfantant des masses de produits, qui descendraient en ruisselant sur les plaines, où sont dispersés les grands centres de consommation. C’est là que la vapeur les recevrait à son tour, pour les répandre dans toutes les directions.

Qu’on reporte maintenant sa pensée sur les travaux que nous proposons d’entreprendre dans les Hautes-Alpes, et on ne les jugera plus seu-