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Page:Surell - Étude sur les torrents des Hautes-Alpes, 1841.djvu/51

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vers la rivière, suivant des pentes à peu près continues, et suffisamment rapides. Si les eaux, qui suivent ces pentes, prennent assez de vitesse pour entraîner leurs matières jusques dans la rivière, et si celle-ci est assez forte pour les emporter, à mesure que le torrent les lui amène, elles ne pourront jamais s’entasser, et le lit de déjection ne pourra pas se former. Dans ces torrents, le lit de déjection est remplacé par un long canal d’écoulement, qui conduit les eaux depuis la gorge jusque dans le cours d’eau principal. — La courbe du lit s’est formée ici tout naturellement, en suivant le relief que lui offrait le terrain de la montagne, et elle n’a pas exigé, pour devenir régulière, que certaines parties du fond fussent exhaussées. En comparant cette courbe à celle que donnent les lits de déjection arrivés à la pente limite, on voit que les deux courbes ne diffèrent pas entre elles : ce fait est digne d’attention, et il confirme tout ce quia été dit dans le précédent numéro[1]. — Ajoutons encore que les torrents qui sont encaissés ainsi jusqu’à leur embouchure, et ne présentent pas des lits de déjection, n’en sont pas moins de véritables torrents. Leur bassin de réception est très-bien caractérisé ; ils l’affouillent, et en tirent une grande masse de matières, qu’ils entraînent avec eux, et qu’ils déposent ensuite réellement dans un lieu déterminé, qui est le sein de la rivière. Mais ils ne peuvent plus divaguer sur leurs dépôts, parce que ceux-ci sont engloutis aussi vite qu’ils sont formés. Les deux premiers caractères, qui spécifient les torrents, se retrouvent donc ici, aussi apparents que partout ailleurs. Et le troisième s’y montrerait de même, si la rivière ne l’avait pas, pour ainsi dire, effacé après coup.

En général, pour que les déjections se disposent suivant la forme normale que j’ai décrite, il faut que le torrent les dégorge dans une plaine, où elles puissent s’étaler en liberté. Aussi les torrents les plus remarquables par l’étendue et la régularité de leurs lits de déjection, sont ceux qui débouchent dans les bassins des vallées principales.

Il arrive souvent que plusieurs torrents jettent à la fois leurs alluvions dans le même lit de déjection, qui leur devient commun[2].

  1. Voyez les planches et leur explication.
  2. Le lit du torrent de Boscodon reçoit le torrent de Combe-Barre ; — celui du Devizet reçoit le Réalon ; — celui de Déoul, le Briançon.