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Page:Surell - Étude sur les torrents des Hautes-Alpes, 1841.djvu/68

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rant. Ainsi, ils n’empêchent pas seulement les érosions ; ils en détruisent même la cause. Tel est le motif de leur supériorité sur les murs longitudinaux.

Ces barrages sont très-répandus. Ils ont toujours produit d’excellents résultats. Des terrains complètement mouvants ont été consolidés par eux. Il existe au-dessous du village du Villard d’Arène, et sur la rive droite de la Romanche, un exemple très-remarquable de la fixation d’une vaste étendue de terrain, opérée par la construction d’un seul mur de chute. Une superficie de plus de 4 000 ares, sur laquelle est bâti le village, était disloquée dans tous les sens par les affaissements du sol. La route royale, no 91, qui traverse ce quartier, s’infléchissait insensiblement vers la rivière. Dans le village, on observait depuis un temps immémorial qu’il était impossible de faire tenir aux murs leur aplomb, comme aux planchers leur niveau. Beaucoup de maisons étaient crevassées, et le clocher de l’église penchait d’une manière très-visible. C’est à l’aval de ce terrain que l’on construisit, sous l’empire, un fort barrage de 8 mètres de chute. Depuis cette époque, le terrain peu à peu s’est raffermi : les mouvements, devenus chaque année plus rares et plus faibles, ont fini par s’éteindre tout à fait.

Ordinairement ces barrages sont construits en pierres sèches. Leur parement, dressé avec le plus grand fruit possible, forme une surface courbe, dont la convexité est tournée vers l’amont : ils opposent ainsi plus de résistance au courant. Deux causes surtout tendent à les détruire, et doivent être combattues avec soin. L’une est dans l’affouillement qui se fait au pied du mur, par l’effet de la chute ; on le prévient en tapissant cette partie du lit avec un enrochement. L’autre est dans l’érosion des berges, aux deux extremités du mur. Si ou ne fait rien pour l’empêcher, elle ouvre peu à peu un passage au courant qui s’y précipite ; le mur est alors tourné, et il périt à la première crue. La courbure même du mur favorise cette action, parce qu’elle tend à rejeter les eaux sur les côtés. Pour la prévenir, on donne au couronnement du mur un profil concave vers le ciel, avec une forte flèche, ce qui attire la plus grande violence du courant vers le milieu du mur et l’éloigne des berges. En outre, on enracine profondément le mur dans les berges, et on relève fortement ses extrémités. Quelquefois même, on l’accompagne de murs en retour, qui garantissent les berges d’amont. Construits avec toutes ces précautions, les barrages résistent très-longtemps.