Aller au contenu

Page:Surell - Étude sur les torrents des Hautes-Alpes, 1841.djvu/92

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

bonne. Ici, le perré à 45 degrés est remplacé par un perré dont la courbure est douce et l’inclinaison faible. Il peut être débordé par les eaux sans inconvénient : il agirait alors à la manière des digues submersibles. L’enrochement est remplacé par les éperons. Ceux-ci présentent encore à l’eau une pente très-douce, et sont construits de manière à être submersibles. Leur inclinaison vers l’amont provoque l’atterrissement ; et leurs musoirs, tournés vers l’aval, rejettent le courant loin de la digue.

Enfin, considérée sous le point de vue de la dépense, la levée coûte plus cher qu’une digue ordinaire en perré ; mais les épis coûtent moins cher qu’un enrochement : en définitive, et tout compte fait, il y a économie à employer le nouveau système.

Tel est l’esprit, et tels sont les avantages de ce genre de défenses. Montrons-en les inconvénients.

D’abord, et avant tout, remarquons qu’il ne peut s’appliquer qu’au cas où les torrents affouillent. Là où ils déposent, il cesse d’être économique, parce que là, il n’est plus besoin de défendre le pied des digues, et que le perré arrondi, dépouillé de ses épis, coûterait alors plus cher qu’un perré ordinaire, privé d’enrochement. — Bien plus, le perré arrondi n’offre pas la faculté d’être exhaussé au fur et à mesure de l’exhaussement du lit : ce qui doit, dans ce cas, le faire rejeter totalement. Or, c’est bien moins l’affouillement qui rend les torrents redoutables, que l’exhaussement de leur lit, propriété funeste, contre laquelle toutes les combinaisons de solidité dans les ouvrages sont complètement déplacées. Le torrent de Briançon était propice à l’essai de ce système, parce qu’il affouille dans la partie où il devait être employé : mais ce cas n’est ni le plus fréquent, ni le plus difficile.

Ensuite, même dans le cas de l’affouillement, l’espacement des épis est certainement trop grand pour qu’ils puissent garantir avec efficacité la levée ; ces eaux capricieuses trouveraient assez de jeu dans l’intervalle de deux épis pour frapper la levée, et revenir dans le milieu du lit sans les avoir même touchés. En admettant même que ceux-ci soient touchés par les eaux, et qu’ils exercent sur elles leur action la plus complète, c’est-à-dire, qu’ils les forcent d’atterrir, et les repoussent loin de la levée, on ne peut toutefois admettre que l’action défensive d’un épi s’exerce sur une longueur de rive, qui excède douze fois la sail-