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Page:Taine - Les Origines de la France contemporaine, t. 11, 1904.djvu/131

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LE RÉGIME MODERNE


ainsi quatre millions. Ces jours-ci, le cardinal Lavigerie, à qui le budget donne quinze mille francs par an, écrivait qu’il en dépense dix-huit cent mille et qu’il n’a pas de dettes[1]. — Par cette initiative et cet ascendant, l’évêque devient un centre de ralliement social ; il n’y en a plus d’autres en province, rien que des vies disjointes, juxtaposées, maintenues ensemble par un cadre artificiel, appliqué d’en haut et du dehors ; partant nombre d’entre elles, et des plus considérables, viennent, surtout depuis 1850, se grouper autour du dernier noyau permanent, faire corps avec lui ; il est le seul point germinant, vivace, intact, qui puisse encore agglutiner et organiser des volontés éparses. Naturellement, à l’intérêt catholique qu’il représente, des intérêts de classe et de parti s’agrègent par surcroît, et son autorité ecclésiastique devient une influence politique ; outre son clergé séculier et régulier, par delà les deux mille cinq cents vies exemplaires ou dirigeantes dont il dispose, on aperçoit derrière lui une multitude indéfinie d’adhésions et de dévouements laïques. Par suite, tout gouvernement doit compter avec lui, d’autant plus que ses collègues l’appuient ; en face de l’État omnipotent, l’épiscopat ligué s’est tenu debout, sous la monarchie de Juillet pour revendiquer la liberté d’enseignement, sous le second Empire pour soutenir le pouvoir temporel du pape. — Dans cette attitude militante, la figure de l’évêque se dévoile tout entière ; champion en

  1. Décembre 1890.