Aller au contenu

Page:Taine - Les Origines de la France contemporaine, t. 11, 1904.djvu/157

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
134
LE RÉGIME MODERNE


tifications surérogatoires dont l’énormité faisait l’étonnement et l’édification de ses moines. Voilà bien l’État idéal du théoricien, une république Spartiate, et, pour tous ; y compris les chefs, une ration égale du même brouet noir. — Autre ressemblance encore plus profonde. À la base de cette république, on trouve la pierre angulaire, dessinée d’avance par Rousseau, puis, taillée et employée tant bien que mal dans les constitutions ou plébiscites de la Révolution, du Consulat et de l’Empire, pour servir de fondement à l’édifice total. Cette pierre est une convention primitive et solennelle de tous les intéressés, un contrat social, un pacte proposé par le législateur et accepté par les citoyens ; seulement, dans le pacte monastique, la volonté des acceptants est unanime, sincère, sérieuse, réfléchie, permanente, et, dans le pacte politique, elle ne l’est pas ; ainsi, tandis que le second contrat est une fiction théorique, le premier contrat est une vérité de fait.

Car, dans la petite cité religieuse, toutes les précautions sont prises pour que le futur citoyen sache à quoi et jusqu’où il s’engage. L’exemplaire de la règle, qu’on lui met d’avance entre les mains, lui explique l’emploi futur de chacune de ses journées et de chacune de ses heures, tout le détail du régime auquel il va se soumettre. Bien plus, pour le prémunir contre l’illusion et la précipitation, on exige qu’il fasse lui-même l’essai de la clôture et de la discipline ; il en aura l’expérience personnelle, sensible et prolongée : avant de prendre l’habit, il sera novice, au moins pendant un an sans