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Page:Taine - Les Origines de la France contemporaine, t. 11, 1904.djvu/188

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L’ÉGLISE


siècles, pas une de ces élections n’a été contestée ; de chaque pape défunt à son successeur élu, l’obéissance universelle s’est transférée à l’instant, sans hésitation, et, pendant l’interrègne comme après l’interrègne, aucun schisme ne s’est produit dans l’Église. — D’autre part, dans le titre légal du César Auguste, il y avait une insuffisance. Selon le droit romain, il n’était que le représentant du peuple ; la communauté en corps lui avait délégué tous ses droits ; mais l’omnipotence ne résidait qu’en elle. Selon le droit canon, l’omnipotence ne réside qu’en Dieu ; ce n’est pas la communauté catholique qui la possède et la délègue au pape[1], ses droits lui viennent d’une autre source, et plus haute. Il n’est pas l’élu du peuple, mais l’interprète, le vicaire et le représentant de Jésus-Christ.

III

Voilà donc aujourd’hui l’Église catholique, un État construit sur le type du vieil empire romain, indépendant et autonome, monarchique et centralisé, ayant pour domaine, non des territoires, mais des âmes, partant international, sous un souverain absolu et cosmopolite dont les sujets sont aussi les sujets de divers autres souverains qui sont laïques. De là, pour l’Église catholique, en tout pays, une situation à part, plus difficile que pour les Églises grecques, slaves ou protes-

  1. Prælectiones juris canonici, I, 101. « La puissance remise à Pierre et aux apôtres est tout à fait indépendante de la communauté des fidèles. »