Aller au contenu

Page:Taine - Les Origines de la France contemporaine, t. 11, 1904.djvu/195

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
172
LE RÉGIME MODERNE


précédent, les découvertes des savants, coordonnées par les philosophes, avaient formé l’esquisse complète d’un grand tableau qui est encore en cours d’exécution et en voie d’avancement : c’est le tableau de l’univers physique et moral. L’esquisse avait fixé le point de vue, déterminé la perspective, marqué les divers plans, tracé les principaux groupes, et ses contours étaient si justes que les continuateurs de l’œuvre n’ont eu qu’à les préciser et à les remplir[1]. Sous leurs mains, depuis Herschel et Laplace, depuis Volta, Cuvier, Ampère, Fresnel et Faraday jusqu’à Darwin et Pasteur, jusqu’à Burnouf, Mommsen et Renan, les vides de la toile se sont comblés, le relief des figures s’est accusé, des traits nouveaux sont venus dégager et compléter le sens des traits anciens, sans jamais altérer le sens total et l’expression d’ensemble, au contraire de façon à consolider, approfondir et achever la pensée maîtresse qui s’était imposée, bon gré mal gré, aux premiers peintres ; c’est que tous, prédécesseurs et successeurs, travaillent d’après nature, et s’invitent à comparer incessamment la peinture au modèle. — Et, depuis cent ans, ce tableau si intéressant, si magnifique et d’une exactitude si bien garantie, au lieu d’être gardé dans un lieu clos, pour n’être vu que par des visiteurs de choix, comme au XVIIIe siècle, est exposé en public et contemplé tous les jours par une foule de plus en plus nombreuse. Par l’application pratique des mêmes découvertes scientifiques, grâce à la facilité des voyages et

  1. L’Ancien Régime, tome I, 266 à 287.