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Page:Taine - Les Origines de la France contemporaine, t. 11, 1904.djvu/200

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L’ÉGLISE


interposent d’avance un mur de séparation, « une cloison étanche[1] », qui les empêche de se rencontrer et de se heurter. D’autres enfin, politiques habiles ou peu clairvoyants, essayent de les accorder, soit en assignant à chacune son domaine et en lui interdisant l’accès de l’autre, soit en joignant les deux domaines par des simulacres de ponts, par des apparences d’escaliers, par ces communications illusoires que la fantasmagorie de la parole humaine peut toujours établir entre les choses incompatibles, et qui procurent à l’homme, sinon la possession d’une vérité, du moins la jouissance d’un mot. Sur ces âmes incertaines, inconséquentes et tiraillées, l’ascendant de la foi catholique est plus ou moins faible ou fort, selon les circonstances, les lieux, les temps, les individus et les groupes ; il a diminué dans le groupe large, et grandi dans le groupe restreint.

Celui-ci comprend le clergé régulier et séculier avec ses recrues prochaines et sa clientèle étroite ; jamais il n’a été si exemplaire et plus fervent ; en particulier, l’institution monastique n’a jamais plus spontanément et plus utilement fleuri. Nulle part en Europe il ne se forme plus de missionnaires, tant de frères pour les petites écoles, tant de servantes et serviteurs volontaires des pauvres, des malades, des infirmes et des enfants, tant de vastes communautés de femmes librement vouées pour toute leur vie à l’enseignement et à la cha-

  1. Mot de M. Renan à propos de l’abbé Le Hir, savant professeur d’hébreu.


  le régime moderne, III.
T. XI. — 12