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L’ÉCOLE


souverain, l’État les admettait et les exclut : c’est le droit du créateur sur sa créature, et, sans pousser le sien jusque-là, Napoléon en use.

Avec une raideur de main et une rudesse extraordinaires, il réprime les membres de son Institut, même quand c’est hors de l’Institut et en leur qualité de simples particuliers qu’ils n’observent pas, dans leurs écrits, les convenances imposées à tout corps public. Sur Jérôme de Lalande, le calculateur astronome et continuateur de Montucla, le coup de férule tombe droit, public, humiliant, et ce sont ses collègues qui, par délégation, lui appliquent le coup : « Un membre de l’Institut, dit la note impériale[1], célèbre par ses connaissances, mais tombé aujourd’hui dans l’enfance, n’a pas la sagesse de se taire, et cherche à faire parler de lui, tantôt par des annonces indignes de son ancienne réputation et du corps auquel il appartient, tantôt en professant hautement l’athéisme, principe destructeur de toute organisation sociale. » En conséquence, les présidents et secrétaires de l’Institut, appelés auprès du ministre, avertiront l’Institut « qu’il ait à mander M. de Lalande, et à lui enjoindre, au nom du corps, de ne plus rien imprimer et de ne pas obscurcir, dans ses vieux jours, ce qu’il a fait, dans ses jours pleins de force, pour obtenir l’estime des savants ». — Dans son futur discours de réception, M. de Chateau-

  1. Correspondance de Napoléon, lettres à M. de Champagny, 13 décembre 1805 et 3 janvier 1806 : « J’ai vu avec plaisir la promesse qu’a faite M. de Lalande et ce qui s’est passé à cette occasion. »