Aller au contenu

Page:Taine - Les Origines de la France contemporaine, t. 11, 1904.djvu/35

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
12
LE RÉGIME MODERNE


« sans les toucher, sans s’en mêler ; il veut les faire cadrer à ses vues, à sa politique, mais par l’influence des choses temporelles. » Que l’autorité spirituelle demeure intacte, qu’elle s’exerce dans son domaine spéculatif, c’est-à-dire sur les dogmes, et dans son domaine pratique, à savoir sur les sacrements et le culte ; que, dans ce domaine restreint, elle soit souveraine, Napoléon l’admet ; car tel est le fait. Pour le constater, il suffit d’ouvrir les yeux : à tort ou à raison, dans ce domaine distinct, elle est, par la fidélité persistante et prouvée des fidèles, une souveraine reconnue, obéie, effective, en d’autres termes une force efficace. On ne l’anéantira point en supposant qu’elle n’est pas ; au contraire, un bon politique l’entretiendra pour se servir d’elle et l’appliquer aux fins civiles. De même, un ingénieur qui rencontre près de son usine une grosse source jaillissante. Il n’entreprend point de la tarir, mais il ne lui permet pas de s’égarer, de se disperser, de se perdre. Il n’entend point qu’elle reste oisive ; tout au rebours, il la recueille, il la canalise, il la dirige, il l’aménage et la fait travailler dans ses ateliers. Dans l’Église catholique, l’autorité qu’il faut capter et utiliser est celle du clergé : « Vous verrez, disait Bonaparte en négociant le Concordat, vous verrez quel parti je saurai tirer des prêtres[1] », et d’abord du pape.

  1. Bourrienne, Mémoires, V, 232.