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Page:Taine - Les Origines de la France contemporaine, t. 11, 1904.djvu/373

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LE RÉGIME MODERNE


examen de médecine ; probablement, il y en aura quelque jour pour le préparer à l’inspection des finances, au Conseil d’État, à la Cour des Comptes, à la diplomatie, au concours qui fera de lui un médecin ou un chirurgien des hôpitaux, à l’agrégation de droit, de médecine, des lettres ou des sciences.

Sans doute, quelques esprits, très prompts et très robustes, résistent à ce régime ; tout ce qui leur est ingurgité, ils l’absorbent et le digèrent ; après leur sortie de l’école et la conquête de tous les grades, ils gardent intacte la faculté d’apprendre, de chercher, d’inventer, et composent la petite élite de savants, lettrés, artistes, ingénieurs, médecins, qui, dans l’exposition internationale des talents supérieurs, maintient à la France son ancien rang. — Mais les autres, en très grande majorité, au moins neuf sur dix, ont perdu leur temps et leur peine, plusieurs années de leur vie, et des années efficaces, importantes ou même décisives : comptez d’abord la moitié ou les deux tiers de ceux qui se présentent à l’examen, je veux dire les refusés ; ensuite, parmi les admis, gradués, brevetés et diplômés, encore la moitié ou les deux tiers, je veux dire les surmenés. On leur a demandé trop en exigeant que tel jour, sur une chaise ou devant un tableau, ils fussent, deux heures durant et pour un groupe de sciences, des répertoires vivants de toute la connaissance humaine ; en effet, ils ont été cela, ou à peu près, ce jour-là pendant deux heures ; mais un mois plus tard ils ne le sont plus : ils ne pourraient pas subir de nouveau l’examen ; leurs acquisitions, trop