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Page:Taine - Les Origines de la France contemporaine, t. 11, 1904.djvu/378

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L’ÉCOLE


étroite, de les traiter en mineurs et en enfants. — Au reste, mêmes majeures ; ces universités resteraient ce qu’elles sont, des officines de grades ; elles ne peuvent plus être maintenant un asile intellectuel, une oasis au terme de l’instruction, secondaire, une station de trois ou quatre ans pour la libre curiosité, pour la culture désintéressée de soi-même. Depuis l’abolition du volontariat d’un an, un jeune Français n’a plus le loisir de se cultiver ainsi ; la curiosité libre lui est interdite ; il est trop harcelé par un intérêt trop positif, par le besoin des grades et diplômes, par les préoccupations de l’examen, par la limite d’âge ; il n’a pas de temps à perdre en tâtonnements, en excursions mentales, en spéculation pure. Désormais notre système n’admet pour lui que le régime auquel nous le voyons soumis, à savoir l’entraînement, l’essoufflement, la course au galop sans répit dans une piste, et les sauts périlleux, de distance en distance, par-dessus des obstacles préparés et numérotés. Au lieu de se restreindre et de s’atténuer, les inconvénients de l’institution napoléonienne s’étendent et s’aggravent, et cela tient à la façon dont nos gouvernants la comprennent, au procédé original et héréditaire de l’esprit jacobin.

Quand Napoléon édifia son Université, ce fut, en homme d’État et en homme d’affaires, avec les prévisions d’un entrepreneur et d’un praticien, avec le calcul de la dépense et du rendement, des besoins et des débouchés, de manière à se fabriquer, au plus vite et avec le minimum de frais, les outils militaires et