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Page:Taine - Les Origines de la France contemporaine, t. 11, 1904.djvu/69

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LE RÉGIME MODERNE


Pour devenir et demeurer maître dans une telle annexe, il convient de montrer toujours l’épée. Néanmoins, il ne serait pas sage de frapper incessamment ; à trop frapper, l’épée, s’userait ; il vaut mieux utiliser la constitution de l’annexe, la gouverner indirectement, non par régie, mais par protectorat, employer à cela les autorités indigènes, mettre à leur compte les rigueurs nécessaires. Or, en vertu de la constitution indigène, les gouvernants de l’annexe catholique, tous désignés d’avance par un caractère indélébile et propre, tous tonsurés, en robe noire, célibataires et parlant latin, forment deux ordres inégaux en dignité et en nombre, l’un inférieur, qui comprend les myriades de curés et vicaires ; l’autre supérieur, qui comprend quelques dizaines de prélats.

Profitons de cette hiérarchie toute faite, et, pour mieux nous en servir, serrons-la ; d’accord avec le haut clergé et le pape, accroissons l’assujettissement du bas clergé : par les supérieurs, nous gouvernerons les inférieurs ; qui tient la tête tient le corps ; il est bien plus aisé de mener soixante évêques et archevêques que quarante mille vicaires et curés ; à cet endroit-ci, ne nous chargeons pas de restaurer la discipline primitive ; ne soyons ni antiquaires ni gallicans. Gardons-nous de rendre au clergé du second ordre l’indépendance et la stabilité dont il jouissait avant 1789, les garanties canoniques qui le protégeaient contre l’arbitraire épiscopal, l’institution du concours, les droits conférés par les grades théologiques, l’attribution des meilleures places aux plus savants, le recours au tribunal diocésain en