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Page:Taine - Les Origines de la France contemporaine, t. 11, 1904.djvu/73

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LE RÉGIME MODERNE


« Saint-Roch, afin qu’il puisse se souvenir que Jésus-Christ commande de prier même pour ses ennemis, et que, rappelé à ses devoirs par la méditation, il apprenne que toutes ces pratiques superstitieuses…, qui dégradaient la religion par leur niaiserie, ont été proscrites par le Concordat et par la loi du 18 germinal. » Dorénavant, tous les desservants et curés seront prudents, réservés, obéissants, timides[1] ; car leurs chefs spirituels le sont aussi, et ne peuvent pas ne pas l’être. Chaque prélat, parqué dans son diocèse, y est maintenu dans l’isolement ; sa correspondance est surveillée ; il ne communique avec le pape que par l’entremise du ministre des cultes ; il n’a pas le droit de se concerter avec ses collègues. Plus d’assemblées générales du clergé, de conciles métropolitains, de synodes annuels ; l’Église de France a cessé d’être un corps, et ses membres, soigneusement détachés les uns des autres et de leur tête romaine, ne sont plus unis, mais juxtaposés. Confiné dans sa circonscription comme le préfet dans la sienne, l’évêque n’est lui-même qu’un préfet ecclésiastique, un peu moins précaire que l’autre : sans doute, on ne peut pas le destituer par arrêté :

  1. Rœderer, III, 479 et suivantes (Rapport sur la sénatorerie de Caen), Partout les prêtres se sentent surveillés et déchus : « La plupart de ceux que j’ai rencontrés me disent : un pauvre curé, un malheureux curé. Les fonctionnaires sont dévoués à l’empereur comme au seul appui qu’ils aient contre les nobles, qu’ils redoutent, et contre les prêtres, qu’ils considèrent peu… Les militaires, les juges, les administrateurs ne parlent des prêtres, et du culte qu’en souriant ; les prêtres, de leur côté, parlent avec peu de confiance des fonctionnaires. »