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Page:Taine - Les Origines de la France contemporaine, t. 2, 1910.djvu/154

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L’ANCIEN RÉGIME


« mieux, si vous voulez égayer davantage votre tableau. » La chanson si leste sur Marotte « court avec fureur » ; — « au bout de quinze jours que je l’ai donnée, dit Collé, je n’ai rencontré personne qui n’en eût une copie ; et c’est le vaudeville, je veux dire l’assemblée du clergé, qui fait toute sa vogue ». — Plus un livre licencieux est irréligieux, plus il est goûté ; quand on ne peut l’avoir imprimé, on le copie. Collé compte « peut-être deux mille copies manuscrites de la Pucelle de Voltaire, qui en un mois se sont répandues à Paris ». Les magistrats eux-mêmes ne brûlent que pour la forme. « Ne croyez pas que monsieur l’exécuteur des hautes œuvres ait la permission de jeter au feu les livres dont les titres figurent dans l’arrêt de la Cour. Messieurs seraient très fâchés de priver leurs bibliothèques d’un exemplaire de chacun de ces ouvrages qui leur revient de droit, et le greffier y supplée par quelques malheureux rôles de chicane dont la provision ne lui manque pas[1]. »

Mais, à mesure que le siècle avance, l’incrédulité, moins bruyante, devient plus ferme. Elle se retrempe aux sources ; les femmes elles-mêmes se prennent d’engouement pour les sciences. En 1782[2] un personnage de Mme de Genlis écrit : « Il y a cinq ans je les avais laissées ne songeant qu’à leur parure, à l’arrangement de leurs soupers ; je les retrouve toutes savantes

  1. Correspondance littéraire par Grimm (septembre, octobre 1770).
  2. Mme de Genlis, Adèle et Théodore, I, 312.