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Page:Taine - Les Origines de la France contemporaine, t. 2, 1910.djvu/18

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L’ANCIEN RÉGIME


Dieu. — Ainsi, dans tout l’ordre social et moral, le passé justifie le présent ; l’antiquité sert de titre, et si, au-dessous de toutes ces assises consolidées par l’âge, on cherche dans les profondeurs souterraines le dernier roc primordial, on le trouve dans la volonté divine. Pendant tout le dix-septième siècle, cette théorie subsiste encore au fond de toutes les âmes sous forme d’habitude fixe et de respect inné ; on ne la soumet pas à l’examen. On est devant elle comme devant le cœur vivant de l’organisme humain ; au moment d’y porter la main, on recule ; on sent vaguement que, si l’on y touchait, peut-être il cesserait de battre. Les plus indépendants, Descartes en tête, « seraient bien marris » d’être confondus avec ces spéculatifs chimériques qui, au lieu de suivre la grande route frayée par l’usage, se lancent à l’aveugle, en ligne droite, « à travers les montagnes et les précipices ». Non seulement, quand ils livrent leurs croyances au doute méthodique, ils exceptent et mettent à part, comme en un sanctuaire, « les vérités de la foi[1] » ; mais encore le dogme qu’ils pensent avoir écarté demeure en leur esprit, efficace et latent, pour les conduire à leur insu, et faire de leur philosophie une préparation ou une confirmation du christianisme[2]. — En somme, au dix-septième siècle, ce qui fournit les idées mères, c’est la foi, c’est la pratique, c’est l’établissement religieux et politique. Qu’elle l’avoue ou qu’elle

  1. Discours de la méthode.
  2. Cela est visible chez Descartes et dès son second pas (Théorie de l’esprit pur, idée de Dieu, preuve de son existence, véracité de notre intelligence prouvée par la véracité de Dieu, etc.).