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Page:Taine - Les Origines de la France contemporaine, t. 2, 1910.djvu/181

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LA PROPAGATION DE LA DOCTRINE


combattent pour la tradition et contre la nouveauté ; c’est pourquoi, après avoir défendu le passé contre le pouvoir arbitraire, ils le défendront contre la violence révolutionnaire et tomberont, l’un dans l’impuissance et l’autre dans l’oubli.

II

Aussi bien, l’embrasement est tardif dans la classe moyenne, et, pour qu’il s’y propage, il faut qu’au préalable, par une transformation graduelle, les matériaux réfractaires soient devenus combustibles. — Un grand changement s’opère au dix-huitième siècle dans la condition du Tiers-état. Le bourgeois a travaillé, fabriqué, commercé, gagné, épargné, et tous les jours il s’enrichit davantage[1]. On peut dater de Law ce grand essor des entreprises, du négoce, de la spéculation et des fortunes ; arrêté par la guerre, il reprend plus vif et plus fort à chaque intervalle de paix, après le traité d’Aix-la-

  1. Voltaire, Siècle de Louis XV. ch. xxxi ; Siècle de Louis XIV, ch. xxx. « L’industrie augmente tous les jours ; à voir le luxe des particuliers, ce nombre prodigieux de maisons agréables bâties dans Paris et dans les provinces, cette quantité d’équipages, ces commodités, ces recherches qu’on appelle luxe, on croirait que l’opulence est vingt fois plus grande qu’autrefois. Tout cela est le fruit d’un travail ingénieux encore plus que de la richesse… Le moyen ordre s’est enrichi par l’industrie… Les gains du commerce ont augmenté. Il s’est trouvé moins d’opulence qu’autrefois chez les grands et plus dans le moyen ordre, et cela a mis moins de distance entre les hommes. Il n’y avait autrefois d’autre ressource pour les petits que de servir les grands ; aujourd’hui l’industrie a ouvert mille chemins qu’on ne connaissait pas il y a cent ans. »