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Page:Taine - Les Origines de la France contemporaine, t. 2, 1910.djvu/184

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L’ANCIEN RÉGIME


d’avance le produit des années suivantes : il y a 80 millions d’anticipations en 1759, et 170 en 1783. En second lieu, tant de fournisseurs, grands et petits, qui, sur tous les points du territoire, sont en compte avec l’État pour leurs travaux et fournitures, véritable armée qui s’accroît tous les jours, depuis que le gouvernement, entraîné par la centralisation, se charge seul de toutes les entreprises, et que, sollicité par l’opinion, il multiplie les entreprises utiles au public : sous Louis XV, l’État fait six mille lieues de routes, et, sous Louis XVI, en 1788, afin de parer à la famine, il achète pour quarante millions de grains.

Par cet accroissement de son action et par cet emprunt de capitaux, il devient le débiteur universel ; dès lors les affaires publiques ne sont plus seulement les affaires du roi. Ses créanciers s’inquiètent de ses dépenses, car c’est leur argent qu’il gaspille ; s’il gère mal, ils seront ruinés. Ils voudraient bien connaître son budget, vérifier ses livres : un préteur a toujours le droit de surveiller son gage. Voilà donc le bourgeois qui relève la tête et qui commence à considérer de près la grande machine dont le jeu, dérobé à tous les regards vulgaires, était jusqu’ici un secret d’État. Il devient politique et, du même coup, il devient mécontent. — Car, ou ne peut le nier, ces affaires où il est si fort intéressé sont mal conduites. Un fils de famille qui mènerait les siennes de la même façon mériterait d’être interdit. Toujours, dans l’administration de l’État, la dépense a dépassé la recette. D’après les aveux officiels, le déficit annuel