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Page:Taine - Les Origines de la France contemporaine, t. 2, 1910.djvu/262

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L’ANCIEN RÉGIME


manche et chaque jour de fête, ils se tiennent à la sortie de l’église, avertissant les retardataires ; puis, dans la semaine, ils vont de chaumière en chaumière pour obtenir leur dû. « Communément, ils ne savent point écrire et mènent avec eux un scribe. » Sur les six cent six qui courent dans l’élection de Saint-Flour, il n’y en a pas dix qui puissent lire le papier officiel et signer un acquit ; de là des erreurs et des friponneries sans nombre. Outre le scribe, ils ont avec eux les garnisaires, gens de la plus basse classe, mauvais ouvriers sans ouvrage, qui se sentent haïs et qui agissent en conséquence. « Quelques défenses qu’on leur fasse de rien prendre, de se faire nourrir par les habitants ou d’aller dans les cabarets avec les collecteurs, » le pli est pris, « l’abus continuera toujours[1] ». Mais, si pesants que soient les garnisaires, on se garde bien de les éviter. À cet égard, écrit un intendant, « l’endurcissement est étrange ». — « Aucun particulier, mande un receveur[2], ne paye le collecteur qu’il ne voie la garnison établie chez lui. » Le paysan ressemble à son âne, qui, pour marcher, a besoin d’être battu, et, en cela, s’il paraît stupide, il est politique. Car le collecteur, étant responsable, « penche naturellement à grossir les cotes des payeurs exacts au profit de celles des payeurs négligents. C’est pourquoi le payeur exact devient négligent à son tour, et laisse instrumen-

  1. Archives nationales, H, 1417. (Lettre de l’intendant de Tours du 15 juin 1765.)
  2. Ibid. Mémoire de Randon, receveur des tailles de l’élection de Laon (janvier 1764).