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Page:Taine - Les Origines de la France contemporaine, t. 2, 1910.djvu/276

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L’ANCIEN RÉGIME


qui accable les faibles pour alléger les forts, plus on est capable de contribuer, moins on contribue. — C’est l’histoire du quatrième et dernier impôt direct, je veux dire de la taxe en remplacement des corvées. Attachée d’abord aux vingtièmes et par suite répartie sur tous les propriétaires, elle vient, par arrêt du Conseil, d’être rattachée à la taille, et, par suite, mise sur les plus chargés[1]. Or cette taxe est une surcharge d’un quart ajoutée au principal de la taille, et, pour prendre un exemple, en Champagne, sur 100 livres de revenu, elle prend au taillable 6 livres 5 sous. « Ainsi, dit l’assemblée provinciale, les routes dégradées par le poids d’un commerce actif, par les courses multipliées des riches, ne sont réparées qu’avec la contribution des pauvres. » — À mesure que les chiffres défilent sous les yeux, on voit involontairement se dégager les deux figures de la fable, le cheval et le mulet, compagnons de route : le cheval a droit de piaffer à son aise ; c’est pourquoi on le décharge pour charger l’autre, tant qu’enfin la bête de somme s’abat sous le faix.

Non seulement, dans le corps des contribuables, les privilégiés sont dégrevés au détriment des taillables, mais encore, dans le corps des taillables, les riches sont soulagés au détriment des pauvres, en sorte que la plus grosse part du fardeau finit par retomber sur la classe

  1. Procès-verbaux de l’assemblée provinciale d’Alsace (1787), 116 ; de Champagne, 192. (Par la déclaration du 2 juin 1787, la taxe en remplacement de la corvée peut être portée au 1/6 de la taille des accessoires et de la capitation réunis.) — Ib. de la généralité d’Alençon, 179 ; du Berry, I, 218.