Aller au contenu

Page:Taine - Les Origines de la France contemporaine, t. 2, 1910.djvu/313

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
295
LE PEUPLE


jour, le bois de Bagnères est coupé tout entier, les arbres abattus sont vendus publiquement par les maraudeurs[1]. Affamés et maraudeurs, tous marchent ensemble, et le besoin se fait le complice du crime. De province en province, on les suit à la trace : quatre mois plus tard, aux environs d’Étampes, quinze brigands forcent trois fermes avant la nuit, et les fermiers, menacés d’incendie, sont obligés de donner, l’un trois cents francs, l’autre cent cinquante, probablement tout l’argent qu’ils ont en coffre[2]. « Voleurs, galériens, mauvais sujets de toute espèce », ce sont eux qui, dans les insurrections, feront l’avant-garde, « et pousseront le paysan aux dernières violences[3] ». Après le sac de la maison Réveillon à Paris, on remarque que, « sur une quarantaine de mutins arrêtés, il n’en est presque point qui n’aient été précédemment des repris de justice, fouettés ou marqués[4] ». En toute révolution, la lie d’une société monte à la surface. On ne les avait jamais vus ; comme des blaireaux de forêt ou comme des rats d’égout, ils restaient dans leurs tanières ou dans leurs bouges. Ils en sortent par troupes, et tout d’un coup, dans Paris, quelles figures[5] !

  1. Floquet, VII, 506.
  2. Archives nationales, H, 1453. (Lettre de M. de Sainte-Suzanne, du 29 avril 1789.)
  3. Arthur Young, I, 256.
  4. Correspondance secrète inédite de 1777 à 1792, publiée par M. de Lescure, II, 351 (8 mai 1789). Cf. C. Desmoulins, la Lanterne : sur 100 émeutiers arrêtés à Lyon, 96 étaient marqués.
  5. Besenval, II, 344, 350. — Dusaulx, la Prise de la Bastille, 352. — Marmontel, II, ch. xiv, 249. — Mme Vigée-Lebrun. I. 177, 188.